Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nation. C’est en cela que consiste sa légitimité, et en définitive, c’est dans cette question que sont cachées toutes les autres : tel est le secret de la politique de M. Royer-Collard. Il a été et il est partisan du roi, parce que le roi défend les grands intérêts qui font l’objet de notre sollicitude, et nous devons nous attendre à le voir moins favorable à la prérogative royale, quand le roi se détournera de ces grands intérêts. Il sera donc fidèle à lui-même et à ses principes, malgré les contradictions apparentes de ses paroles.

Un de ces grands intérêts était la complète égalité des consciences et des cultes, et par conséquent la direction de l’éducation publique par des mains laïques, sous l’autorité de l’état. C’était aussi l’un des intérêts nouveaux que les partisans de l’ancien régime attaquaient avec le plus d’ardeur. Pour reconstituer une église dominante, il fallait changer les esprits, et l’on espérait changer les esprits en mettant l’instruction entre les mains du clergé. Dans un discours prononcé le 25 février 1817, M. Royer-Collard repoussa cette agression avec une extrême énergie. « L’université, dit-il, n’est autre chose que le gouvernement appliqué à la direction universelle de l’instruction publique... Elle a été élevée sur cette base fondamentale, que l’instruction et l’éducation publique appartiennent à l’état, et sont sous la direction supérieure du roi. Il faut renverser cette maxime ou en respecter les conséquences, et pour la renverser il faut l’attaquer de front; il faut prouver que l’instruction publique et avec elle les doctrines religieuses, philosophiques et politiques qui en sont l’ame sont hors des intérêts généraux de la société, qu’elles entrent naturellement dans le commerce comme les besoins privés, qu’elles appartiennent à l’industrie comme la fabrication des étoffes, ou bien peut-être qu’elles forment l’apanage indépendant de quelque puissance particulière qui aurait le privilège de donner des lois à la puissance publique... L’université a donc le monopole de l’éducation, à peu près comme les tribunaux ont le monopole de la justice, ou l’armée celui de la force publique. »

La question est franchement posée; le débat est entre la France nouvelle, représentée alors par son gouvernement, et la France ancienne, représentée par un parti. Ce débat entre l’esprit nouveau et l’esprit ancien, que l’on déguise sous le nom de lutte entre l’université et le clergé, a rempli les trente-cinq dernières années. De nos jours, la majorité de l’assemblée nationale, tremblante devant des dangers nouveaux, a acheté l’alliance de l’ancienne opposition de droite par un sacrifice à l’esprit ancien; mais au fond elle est, comme la majorité du temps de M. Royer-Collard et comme la majorité de la France, du côté de l’esprit nouveau, qui ne veut point que la religion s’immisce dans les affaires de ce monde, qui place l’unité de la France dans la justice et non dans le culte, et qui ne laissera pas tomber l’éducation entre les