Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Royer-Collard, on le voit moins obligé de voiler sa pensée intime. Quelques jours après le débat sur la liberté individuelle, la discussion s’engagea sur la suppression de la liberté des journaux. D’accord avec le roi et la majorité de la chambre sur le régime civil qui convenait au pays, M. Royer-Collard montra encore ici qu’il mettait au-dessus de la constitution politique la constitution civile et sociale de la France, qu’il ne prenait la première que comme une sauvegarde, et que c’était la seconde qu’il défendait contre les partis. « Une révolution sans exemple, dit-il dans son discours du 27 janvier 1817, s’est opérée au milieu de nous. Elle n’était pas dirigée contre le trône, quoiqu’elle l’ait renversé; elle l’était contre la constitution intérieure de la société. Ce sont les classes diverses qui ont combattu entre elles, bien plus que la nation et son gouvernement. Cette révolution a déplacé tout ce qu’elle n’a pas brisé : les propriétés, les rangs, l’autorité, la gloire même. Elle a arraché la société de ses antiques fondemens, et l’a rétablie sur des fondemens nouveaux... Une nation nouvelle s’avance et se range autour du trône, renouvelé comme elle... La nation dont je parle, innocente de la révolution dont elle est née, mais qui n’est point Sun ouvrage, ne se condamne point à l’admettre ou à la rejeter tout entière; ses résultats seuls lui appartiennent….. Si le gouvernement protégeait ou même s’il favorisait un parti, il faudrait se garder de lui donner les journaux; mais s’il défend au contraire la nation contre tous les partis, il a besoin de cette arme puissante, et, loin de redouter qu’il n’en abuse, souhaitons qu’il veuille et sache s’en servir. Il s’agit donc uniquement de savoir si le gouvernement du roi sert la nation ou s’il sert un parti. En définitive, c’est dans cette question que sont cachées toutes les autres... Eh bien! nous pensons, nous qui défendons le projet de loi, que le gouvernement du roi a donné des preuves irrécusables de sa loyauté et de son dévouement à la cause nationale. Nous trouvons ces preuves dans l’ordonnance du 5 septembre et dans la proposition de la loi des élections. Par l’ordonnance du 5 septembre, le gouvernement du roi a puissamment protégé le repos, la liberté, les droits et les intérêts de la nation. Il a mis la nation elle-même hors de péril en l’arrachant aux partis, à leur puissance, à leur vengeance. Par la loi des élections, il a mis la nation en état de lui rendre à lui-même l’appui qu’il lui prête aujourd’hui. Le dépit des partis, je dirai presque leur fureur, et les injures dans lesquelles ils l’exhalent et qui trahis- sent à nos yeux de grandes espérances déçues, ajoutent à notre sécurité et nous persuadent que le gouvernement du roi a échappé sans retour à leur influence, et qu’il appartient plus que jamais aux grands intérêts qui sont l’objet de notre sollicitude. »

il n’y a plus ici d’équivoque : la constitution intérieure de la société a été renouvelée; il s’agit de savoir si le gouvernement du roi sert la