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malheureux princes qui reviennent dans les bagages de l’étranger? » Cependant le roi Louis XVIII, instruit par la récente catastrophe dont il avait été victime, avait pris la résolution de faire une plus grande part aux intérêts de la France nouvelle. Il s’était entouré d’un ministère dont les sentimens modérés pouvaient rassurer les esprits contre les influences des partisans de l’ancien régime. M. Royer-Collard fut bientôt nommé président de la commission de l’instruction publique, et envoyé par son département à la chambre des députés. Il n’avait répudié aucune des idées salutaires de 1789 : il voulait favoriser le progrès de la raison et des sciences, et maintenir l’abolition des privilèges, l’égalité des cultes et la complète sécularisation de l’état. Il n’entendait pas qu’on rétablît un clergé dominant, pas plus qu’une noblesse militaire ne relevant que d’elle-même et prenant les commandemens par droit de naissance, pas plus que des parlemens indépendans ou des universités indépendantes; il voulait que l’armée, les cultes, la justice et l’enseignement restassent sous la main du pays, et qu’en un mot aucune exception ne vînt détruire l’unité de la France, rompre l’égalité des droits, ou choquer le bon sens et la raison publique. La philosophie n’avait donc pas été un épisode dans la vie de M. Royer-Collard. Il défendit constamment la politique dont nous venons d’indiquer les points essentiels. Malgré les différences qui le distinguaient de M. de Lafayette, lorsqu’ils se rencontraient dans les couloirs de l’assemblée, le général lui prenait la main en lui disant cette seule parole : quatre-vingt-neuf, voulant ainsi rendre hommage à l’esprit libéral qui subsistait sous la fidélité royaliste de M. Royer-Collard. Celui-ci pensait qu’une royauté héréditaire, tempérée par des conseils où viendrait siéger l’élite de la nation, était la forme la plus propre à protéger tous les intérêts du pays; mais la forme ne lui fit jamais oublier le fond. On le voit, dans les divers temps de sa vie, essayer d’abord de faire prévaloir la prérogative du roi sur celle de l’assemblée, et ensuite la prérogative de l’assemblée sur celle du roi : il n’y a pas eu en cela de contradictions; il a été du côté du roi tant qu’il l’a vu plus libéral que l’assemblée, et s’est rangé du côté de l’assemblée quand il l’a trouvée plus libérale que le roi. L’organisation du gouvernement n’était pour lui qu’un moyen; le but était l’abolition de tout privilège, le progrès des sciences et des lumières, l’unité de l’état fondée non sur le culte, qui était divers, mais sur la justice, qui devait être uniforme.

Dès le commencement de sa carrière parlementaire, M. Royer-Collard est aux prises avec cette assemblée qui a fini par être dissoute de la main même du roi, et que ses partisans, désespérant d’en recomposer jamais une pareille, ont nommée la chambre introuvable. Le premier débat s’engagea sur la loi d’amnistie. La majorité de la chambre