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de la ville voisine, chez qui s’était répandue depuis long-temps la renommée de cette irréprochable famille, et qui avaient choisi le fils sur la garantie du nom de sa mère. L’agent si redouté apportait la nouvelle de la nomination.

De retour à Paris, le jeune député se refusa aux intrigues qui tendaient à une restauration de la monarchie : il croyait encore à la possibilité d’une république équitablement gouvernée: mais bientôt le parti vainqueur au 18 fructidor, mettant par erreur M. Royer-Collard au nombre de ses ennemis, fit annuler son élection. « Bien des gens, a-t-il dit depuis, ont été persécutés pour une opinion qu’ils n’avaient pas, et que la persécution leur a donnée. » Ce fut à cette époque seulement que, dégoûté de la violence qu’il voyait présider au gouvernement, il commença de croire à l’utilité du retour de la monarchie. Il entretint même avec les princes exilés un commerce de lettres, dans lequel il leur déconseillait les conspirations, les troubles intérieurs, l’intervention étrangère, et leur commandait d’attendre la vacance du pouvoir, et surtout le vœu de la France. Lorsqu’en 1803 Louis XVIII refusa les propositions que lui avait faites le premier consul de renoncer au trône de France, moyennant des indemnités, M. Royer-Collard écrivit au roi pour le féliciter de ce refus. Cette lettre, peu connue, détermine clairement le plan de conduite qu’avait adopté M. Royer-Collard, et elle est un de ses titres d’honneur. « Ce n’est pas nous, écrivait-il, qui offrirons à votre majesté de vaines espérances fondées sur les troubles du dedans ou du dehors, et sur les moyens de les exciter. Votre majesté sait assez, puisque c’est notre premier titre à sa confiance. que nos vœux ne s’unissent point à l’intervention de la politique étrangère, et que notre caractère, nos principes et les devoirs qu’elle-même nous impose nous éloignent également de l’esprit de conspiration et de faction.... La France repose dans une paix profonde depuis qu’un homme, aussi extraordinaire que sa fortune, a saisi les rênes du gouvernement. Les uns jouissent du calme, sans souvenir et sans prévoyance: les autres qui gardent leur foi à votre majesté, dans les tribunaux, dans les camps, dans les conseils, croient lui obéir en se soumettant à cette autorité provisoire, dont ils reconnaissent la nécessité, et que la main de Dieu même paraît avoir élevée pour confondre et les principes et les exemples de la révolution; c’est donc à l’avenir qu’appartiennent toutes les sollicitudes. »

Cette correspondance cessa dès la première année de l’empire. Ce fut vers ce temps que M. Royer-Collard se maria. Il épousa Mlle de Forges de Châteaubrun, d’une ancienne famille noble du Berry. Il en eut trois filles et un fils. Son fils vécut à peine. L’aînée de ses filles mourut à trois ans et lui laissa un regret profond et durable dont il donna des signes toute sa vie. Pour élever ses deux autres filles et