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long-temps, et qu’elles s’y soient créé des traditions et des habitudes. A quoi bon alors, nous dira-t-on, retourner le fer dans nos plaies? Espérez-vous que la foi, qui ne se commande pas, reviendra dans l’homme simplement parce que vous aurez signalé son absence en lui? Non, sans doute, la foi ne s’impose pas, et toute foi qui s’impose augmente le scepticisme général; mais il y a une initiative que peuvent prendre tous ceux qui ont quelque intelligence et un cœur. Ils peuvent amener les hommes à réfléchir sur eux-mêmes, sur leur temps et sur leurs opinions, à s’interroger et à s’examiner, à soumettre de nouveau leurs croyances à l’examen de leur esprit, à se sonder et à se dire : Si je m’étais trompé! La seule chose que l’on puisse faire de notre temps, c’est de frapper sincèrement sur les préjugés régnans, c’est de faire tressaillir les esprits, c’est de les remplir de crainte sur leurs opinions et de les laisser ensuite chercher librement. Soyez sûrs que la vérité se fera jour alors d’elle-même.

Si ce que nous venons de dire est vrai, si les causes de notre malaise sont celles que nous avons exposées, il est facile de voir que tous les remèdes proposés par les socialistes sont les inventions d’esprits bornés, ou paresseux, ou corrompus, qui ne veulent ou ne peuvent voir les véritables causes de nos souffrances, qui ne veulent ou n’osent pas se sonder, de peur d’avoir à se déclarer mauvais, qui aiment leur corruption, et qui ne veulent pas se donner le tourment de penser pour remonter aux véritables sources du mal. Nous sommes conduit ainsi à deux conclusions générales.

La première, c’est que le mot révolution doit changer de sens, ou que la révolution entraînera infailliblement la société a sa perte; quelle doit changer de direction, ou qu’il faut nous résigner à voir la crise actuelle devenir notre état normal. Que veut dire ce mot de révolution, et qu’entend-on lorsqu’on nous menace de nouvelles révolutions? Probablement on nous menace de continuer ce qui a été déjà fait, d’abolir des institutions pour les remplacer par de pires, d’abolir des lois et d’en créer de nouvelles. Qu’y a-t-il de neuf dans ce beau projet et que nous n’ayons expérimenté cent fois? Nous ne disons rien des malheurs qui devraient suivre naturellement un nouvel ébranlement, des flots de sang qui seraient infailliblement versés, de l’ordre impossible à maintenir, des intérêts sacrifiés, des sentimens les plus sacrés qui deviendraient un thème de discussion pour tous les bacheliers de la révolution, de la sainteté des contrats qu’on mettrait en état de mépriser tous ceux qui avaient déjà quelques dispositions à les violer. Nous ne voulons pas accuser les diffamateurs incessans de la société moderne de tous les vices dont ils l’accusent, nous voulons sui)poser qu’ils ne sont ni menteurs, ni cupides, ni égoïstes, ni envieux, pour mieux croire qu’ils sont puérils. Si les membres de notre société sont isolés