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tout-à-fait l’esprit de l’Angleterre; la politique commence à reparaître. Les orateurs des chambres, les chefs de partis ou de doctrines se montrent dans les meetings. M. Disraeli s’est exposé à diviser le camp des protectionistes en abandonnant, comme il l’a fait, tout espoir de retour au système protecteur, pour s’appliquer uniquement à solliciter la diminution des taxes locales. On ne rétablira point le droit sur les grains étrangers : soit, il en prend son parti; mais, puisqu’on ôte ainsi au fermier la jouissance de son monopole, c’est bien le moins qu’on le dédommage en l’exemptant des taxes qui pèsent sur la terre. M. Disraeli n’oublie qu’une chose: c’est de dire comment il remplira le trésor vidé par le rappel des corn-laws, s’il abolit à son tour les taxes territoriales. Lord Palmerston a voulu haranguer aussi ses électeurs de Tiverton, et leur a vanté en fort bons termes le bonheur d’être un libre citoyen de la vieille Angleterre. Sa seigneurie est bien pour quelque chose dans la difficulté qui nous empêche sur le continent d’être en toute sûreté si parfaitement libres. Enfin on parle beaucoup de la réforme électorale et des projets que médite lord John Russell; ces projets transpirent même déjà par des indiscrétions plus ou moins autorisées, et l’on croit être sûr qu’ils auront une place dans le discours de la couronne.

Le résultat des élections qui viennent de renouveler le sénat belge est à peu près tel que nous l’avions prévu. Le ministère ne gagne en définitive que deux voix; il n’est pas renversé, il n’est pas non plus très renforcé. Le champ de bataille n’était pas heureusement choisi. L’impôt sur les successions directes n’est point en Belgique une question favorable, et, si la lutte n’eût été tout de suite dirigée par les adversaires du cabinet contre son existence même et contre l’ascendant du parti libéral, celui-ci ne se serait peut-être point rallié, comme il l’a fait encore aussitôt qu’il a compris à quoi l’on en voulait. Le parti clérical, car il faut bien nommer ainsi un parti politique ostensiblement gouverné par l’église, prétend être en Belgique le parti conservateur par excellence. Nous doutons cependant que ce soit un bon moyen de conservation de traîner la religion dans les mêlées électorales et de compromettre l’influence de l’autel dans les jeux du scrutin. Nous ne voulons pas, d’autre part, admettre les reproches de radicalisme lancés contre ce parti libéral, qui, partout où il avait l’avantage, a célébré sa victoire au cri de : vive le roi!

Les chambres hollandaises viennent de reprendre leurs travaux; le roi a ouvert en personne la session parlementaire, qui s’annonce sous d’assez heureux hospices; le discours de la couronne est plutôt en effet l’exposé de résultats déjà obtenus qu’un tableau des promesses de l’avenir. Le gouvernement néerlandais rappelle aux représentans du pays qu’il a conclu avec différens états voisins des traités importans pour le progrès et la sécurité des relations commerciales, que d’autres vont suivre; il déclare que la tranquillité est rétablie dans ses possessions d’outre-mer, que l’on a remédié aux fâcheuses conséquences des mauvaises récoltes, que l’on est en train d’exécuter les grands travaux d’amélioration ordonnés sur les rivières de la Hollande, que l’agriculture et l’industrie répondent par d’heureux succès aux encouragemens qu’elles ont reçus. Enfin le gouvernement se félicite aussi de la marche régulière des institutions nouvelles, et se promet de mener à bonne fin, avec leur concours, des projets déjà élaborés soit par le ministère, soit dans le sein des chambres. Ce discours a généralement été bien accueilli dans son ensemble; la seconde