voulant trop étendre. Elle ne s’en est pas moins engagée dans des voies de réforme et d’amélioration réelles, où elle fondera malgré tout quelque chose de durable. Ce ne sont point là des faits éphémères issus des révolutions et condamnés à disparaître avec elles : ce sont de solides assises jetées de tous côtés par des puissances redoutables qui grandissent toujours sans que la France, il faut bien le dire, grandisse à proportion.
Nous avons blâmé, comme l’exigeaient les plus simples notions du droit des gens, l’audacieuse attaque dirigée contre Cuba par des citoyens de la république américaine. Nous avons dit, et, malgré la fin sanglante de l’expédition et de son chef, nous croyons encore que la leçon qu’ils ont reçue n’aura point corrigé les Yankees de leur appétit de conquête. Cette passion d’accaparement, qui les pousse à gagner de proche en proche sur tout leur continent, est un côté indestructible de leur tempérament national et politique : c’est leur foi. Rappelez-vous les termes de ces résolutions qu’on avait prises au meeting de Philadelphie : meetings et résolutions, tout est tombé maintenant, tout a l’air de s’être évanoui derrière l’échafaud de Lopez ; mais l’esprit reste, l’esprit qui avait dicté ces paroles significatives : « La cause des patriotes de Cuba (s’était-on seulement informé s’il existait à Cuba de telles gens qu’on nommait des patriotes ?) est une cause avec laquelle le peuple et le gouvernement des États-Unis ont le droit de sympathiser : c’est le devoir de ce gouvernement de protéger cette cause et d’affranchir cette partie de l’Amérique d’une tyrannie transatlantique. — C’est un devoir commandé par l’humanité et par les principes politiques d’empêcher l’établissement d’un despotisme militaire dans une partie de l’Amérique. » Un devoir ainsi compris peut mener loin. C’est purement et simplement le devoir de la guerre ; c’est la guerre sainte des musulmans inspirée par un autre Islam, par une religion dont le mobile n’est plus l’espoir des félicités de l’autre monde, mais la rage de la domination terrestre. Cette religion a déjà porté le pavillon étoilé du Saint-Laurent à la mer Vermeille, de l’Atlantique au Pacifique ; elle lui a donné le Texas et une partie du Mexique ; elle menace maintenant à la fois la liberté de la mer des Antilles et la sécurité des dernières colonies anglaises. Le mot de cette religion, nous l’avons dit : L’Amérique pour les Américains ! Il faut voir pourtant le fond sur lequel repose cette croyance trop infatigable et trop féconde pour n’être que le rêve d’un jour, que la chimère d’un patriotisme vaniteux. Où les Américains ont-ils pris ce culte superstitieux, cette idolâtrie de leurs destinées futures ? Dans la contemplation du merveilleux développement de leurs destinées présentes. Ils pouvaient bien gagner le vertige à voir multiplier, pulluler, grossir si vite toutes les forces de la nation, toutes les ressources de la nature et de l’industrie. C’est ce vertige qui les précipite en avant, parce qu’il leur semble s’être toujours ainsi précipités ; c’est ce vertige qu’ils ont baptisé d’un mot fait exprès pour eux : go-a-head.
Voici, d’après les dernières statistiques, les divers progrès accomplis sur cette terre immense dans l’espace de cinquante-huit ans, de 1793 à 1851. La population s’est élevée de 4 millions à plus de 24 (3,939,325 en 1793, 24,267,433 en 1851). Les recettes ont augmenté de 700, les dépenses de 400 pour 100. La différence dans les chiffres comparés de l’état commercial est de 500, dans ceux du tonnage et de la navigation de 600 pour 100. Il y avait en 1793, pour toutes les côtes de l’Union, sept phares ou fanaux dont l’entretien coûtait