bourgeois, les industriels, les paysans et les gens de lettres, tous délibérant en commun, mais votant par caste, « et la majorité des ordres faisant loi; » 1788 compliqué par les subtilités et les nouveautés de 1851.
On dira que M. de la Tour du Pin-Chambly a l’honneur de passer pour un excentrique même au milieu des excentriques les plus notoires du légitimisme, que les journaux de sa couleur n’insèrent ses communications que sous bénéfice d’inventaire. Tout cela n’empêche pas que, dans les partis dont l’assiette est fausse, ce sont toujours les excentriques qui l’emportent un lendemain de victoire. La chambre introuvable était toute prête derrière la déclaration de Saint-Ouen. Combien n’y a-t-il pas plus de sens et de justesse dans la parole du respectable M. Kératry? Ce digne vétéran de nos assemblées politiques n’a pas encore abandonné la brèche; il s’attriste, il ne désespère point. Il ne renonce point, par dépit de ce qu’elles ont été mal employées, aux conquêtes successives de l’âge moderne, il veut seulement les préserver de la suprême attaque des radicaux; il ne s’associe point aux radicaux pour les abolir; il ne veut point, comme tant d’autres, faire à bonne intention la besogne du radicalisme. Il n’a pas non plus de remède en poche pour tirer la France de son agonie. Que deviendra la France? Il ne se pique point d’un assez grand génie pour la sauver d’un coup de baguette; mais il se lève avec toute l’autorité de son caractère et de ses années pour nous dire, pour nous prouver que la France périra, si nous ne savons surmonter les vains obstacles qui nous divisent, et couper court aux stériles discordes d’une société qui s’y amuse, sans même s’y dévouer.
Quittons une fois enfin le spectacle monotone de ces divisions intestines, élevons-nous par la pensée au-dessus de cet étroit horizon dans lequel nous semblons presque nous plaire à renfermer les destinées de la France; voyons comment marche vraiment le monde, et suivons les grandes lignes sur lesquelles se développe son histoire générale, les grandes étapes que la civilisation continue de faire au milieu même des accidens et des petitesses de l’histoire quotidienne. Quels que soient ces accidens de détail, il s’opère évidemment un travail considérable dans les relations respectives des peuples, et, quelles que soient, d’un autre côté, nos préoccupations particulières, nous avons un intérêt majeur à ne point oublier le progrès toujours croissant de certaines puissances. Entendons-nous bien : nous ne parlons pas ici du progrès des institutions qui est devenu chose trop vague ou trop suspecte; nous parlons du progrès positif et pratique dans l’ordre matériel, de l’augmentation des forces vives au moyen desquelles un état est certain de peser dans la balance politique. A n’envisager que les données de la date la plus récente, il est facile d’observer qu’il y a, sur deux ou trois points du globe, un mouvement qui ne s’arrête pas, une vertu d’expansion et de conquête dont l’avenir est incontestable.
En Amérique et dans la Grande-Bretagne, les peuples anglo-saxons, — au nord et dans l’Orient les Russes redoublent chaque jour d’activité; l’esprit d’entreprise élargit de plus en plus devant eux la carrière dans laquelle ils marchent d’un pas si rapide. L’Autriche enfin, à peine redevenue maîtresse d’elle-même, toute pleine d’une victoire qui l’a comme redressée sur le penchant de sa ruine, semble avoir dépouillé sa prudence séculaire, et poursuit avec une ambition rajeunie sa fortune nouvelle, au risque même de la compromettre en la