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conquêtes de la guerre ont servi les conquêtes de la science; n)ais, en Égypte et en Morée, nous n’avons fait que passer. Ici, au contraire, après avoir pris possession du sol, nous reculons chaque jour nos frontières, et l’Exploration scientifique de l’Algérie, publiée dès les premières années de notre prise de possession, est aujourd’hui décomplétée par nos victoires. Les officiers de notre armée se sont formés à l’archéologie, et l’érudition a recruté dans nos régimens un brillant état-major. MM. Carrette, Boissonnet, Carbuccia, ont recueilli un grand nombre de débris précieux. M. Carbuccia, colonel d’un régiment de la légion étrangère, a fait exécuter par les soldats de cette légion des fouilles importantes sur divers points du territoire algérien. L’ensemble de ces fouilles ne représente pas moins de quatorze mille journées de travail. Les militaires du régiment de M. Carbuccia ont pris un goût très vif à ces recherches, et, grâce au zélé éclairé de leur colonel, tout ce qu’ils trouvent est soigneusement conservé pour enrichir nos collections. Un officier d’un savoir étendu et solide, M. Azéma de Montgravier, membre correspondant de l’Académie des Inscriptions, est l’auteur d’études importantes sur l’histoire de la domination romaine dans la province d’Oran. M. Delamare, commandant d’artillerie, publie depuis 1848 un grand et savant ouvrage, Archéologie de l’Algérie, dont il a déjà paru dix-huit livraisons grand in-4’’de six planches chacune. Ces planches représentent avec une scrupuleuse exactitude tous les monumens de Tenez, Bougie (l’ancienne Saldæ), Gigelli, Philippeville, Stora (Rusicada), Guelma, Milha (Milevum), Dgemila, Sétif (Sitilis), Constantine (Cirta), enfin les monumens de toutes les villes situées au nord et à l’ouest de Constantine.

M. Berbrugger, bibliothécaire à Alger, qui a rendu tant de services non-seulement à l’érudition, mais encore à la cause de notre domination en Afrique, continue, avec un dévouement et une abnégation qui ne sont plus de notre temps, le cours de ses voyages et de ses recherches, et nous nous empressons d’autant plus de rendre ici pleine justice à cet homme honorable, qu’il a trouvé autour de lui plus de difficultés et de mauvais vouloir. Une nouvelle et importante exploration sur le territoire si patiemment étudié par M. Berbrugger vient d’être faite par M. Léon Renier, l’un de nos hellénistes et de nos archéologues les plus éminens. M. Léon Renier, qui s’occupe depuis long-temps d’un recueil épigraphique contenant toutes les inscriptions de la France, s’était tracé, avant de partir pour l’Afrique, un programme embrassant une foule de questions encore indécises. Il voulait tout à la fois découvrir et rectifier, et il a été très heureusement servi par son érudition et par son zèle. Au sud de Constantine, il a visité les ruines de Lambèze, la Tezzoult des Arabes, dont il a le premier fixé le véritable nom, Lambæsis. Il a copié sur ce point treize cents inscriptions entièrement inconnues, et de plus il a fait pour l’histoire de l’organisation militaire des Romains des découvertes intéressantes. Lambèze a été pendant trois cents ans, depuis Auguste jusqu’à Constantin, le quartier-général de la légion troisième Augusta, et c’est dans toute l’étendue de l’empire la seule ville qui ait joui aussi long-temps de cette prérogative. Ravagée probablement par les Vandales au commencement du Ve siècle, elle n’a pas été rebâtie depuis, de sorte que ses ruines sont intactes, et n’ont point été dénaturées, comme celles des villes des bords du Rhin, Mayence, Bonn et Cologne, qui furent aussi des quartiers de légions romaines. M. Renier avait deviné qu’il y aurait là pour