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d’avoir laissé croire au roi et à la reine qu’il s’engageait à servir la contre-révolution il nie s’engage qu’à servir la monarchie, telle qu’il la conçoit ; il ne veut être que « le défenseur du pouvoir monarchique réglé par les lois et l’apôtre de la liberté garantie par le pouvoir monarchique. » C’est là ce que j’appellerais volontiers la condition de son traité avec la cour ; mais il aurait été plus fort pour maintenir son traité contre les exigences et les préjuges de la cour, si ce traité n’avait pas été un marché.

Venons maintenant à la monarchie telle que Mirabeau la voulait et la concevait. Ici je ne me défends pas, je l’avoue, d’une vire prédilection pour les idées de Mirabeau, car la.monarchie qu’il aime et qu’il veut fonder, c’est la monarchie constitutionnelle ; celle que nous avons eue en 1814, et que nous avons gardée et consolidée, en 1830. Mirabeau disait M. de La Marck, voulait la monarchie par la révolution et dans le cercle de la révolution, contenue elle-même et dirigée vers un ordre régulier. La contre-révolution répugnait à ses principes comme à ses passions, et il n’en voulait à aucun prix. Il est décidé à la combattre sous toutes les formes : sous la forme des courtisans et des grands seigneurs d’autrefois, mécontens du changement et qui tâchent de s’y opposer ; — et comment s’y opposent-ils ? ils ne sont pas en état de concevoir un complot systématique, ils n’ont que l’incohérente agitation du dépit impatient[1] ; — sous la forme du côté droit dans l’assemblée, et c’est là qu’il a ses adversaires, ses ennemis, ses détracteurs, les plus acharnés. Ce n’est pas la haine seulement qui l’éloigne du côté droit de l’assemblée, il sent qu’il y a là un écueil dangereux. Avoir la majorité à l’aide de la droite de l’assemblée, c’est le plus périlleux de tous les succès, car c’est s’écarter de la révolution, c’est augmenter les défiances contre la cour[2] : « Les députés de la noblesse et du clergé sont tombés, dit-il, dans un incurable discrédit, et, outre qu’ils ne se prêteraient à rien de ce qui serait uniquement utile au roi, toute démarche qui aura de tels auxiliaires sera par cela seul suspecte aux provinces[3]. » Aussi il n’y a rien à attendre des dépits de la cour, rien de l’appui du côté droit dans l’assemblée : ce sont des mécontentemens inutiles, suspects, dangereux. On ne peut pas se servir de ce genre de mécontens comme d’alliés pour défendre la monarchie ; ils feraient plus de mal que de bien ; ils nuiraient plus qu’ils ne serviraient. « Il n’y a de mécontens utiles, dit Mirabeau dans sa quarante septième note sur les moyens de rétablir l’autorité royale, il n’y a de mécontens utiles que ceux qui veulent tout à la fois la liberté et le gouvernement monarchique qui

  1. Tome Ier, p. 360.
  2. Tome II, p. 254.
  3. Idem, p. 421.