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son inspiration à se voir ainsi placé entre la guillotine et la victoire, peuvent-ils nier que la direction confuse, aveugle, désordonnée, émanant de l’assemblée et de ses délégués, n’ait été une cause cent fois plus réelle, une cause permanente d’infériorité pour nos soldats, un obstacle, un ennemi de plus dont leur valeur a pu seule triompher? En un mot, peut-on sérieusement revendiquer pour la convention une autre gloire, dans nos campagnes défensives, que d’avoir, par l’horreur qu’elle inspirait à l’intérieur, fait courir à la frontière tout ce que le pays comptait alors d’hommes de bien, d’hommes de cœur? N’est-ce pas là, de l’aveu même de Carnot, le seul service qu’elle ait rendu à nos armes?

La guerre mise de côté, qu’a-t-elle fait, cette assemblée? qu’a-t-elle fondé? de quelles institutions nous a-t-elle enrichis? comment s’est- elle servie du pouvoir le plus absolu, le plus illimité que jamais despote ait possédé sur terre? Soumise dès sa naissance à la tyrannique autorité de la commune de Paris, immobile et muette devant toute poignée d’hommes en guenilles ou de femmes ivres à qui il a plu de se ruer sur elle, a-t-elle, un seul jour, recouvré la libre disposition d’elle-même? Ne s’est-elle pas constamment mise à genoux devant l’émeute? Où trouver dans ses rangs ces hommes indomptables, ces génies dominateurs dont quelques fous vénèrent la mémoire? Toute la puissance de ces grands hommes ne s’est-elle pas bornée à faire monter sur l’échafaud un certain nombre de leurs collègues, à rester vainqueurs pendant quelques semaines, à combler une certaine mesure de crimes, puis à monter à leur tour sur l’échafaud? Ce sont là les bienfaits qu’on signale aux regrets et aux bénédictions de la France!

S’il est clair et facile de prouver que cette assemblée ne nous a rendu aucun genre de service, il est plus difficile de dire exactement ce qu’elle a été. Où est l’unité d’une telle histoire? Quand on prononce ce mot convention, de quoi veut-on parler? Est-ce de l’assemblée où siégèrent les girondins? ou bien faut-il attendre qu’ils en aient disparu pour que la convention, aux yeux de ses admirateurs, devienne la vraie, la grande convention? Mais alors nous poserons la même question chaque fois que le fatal tombereau aura fait un nouveau vide sur ses bancs. La convention, est-ce l’assemblée à qui Danton commande? ou bien celle où trône Robespierre? ou bien celle qui se soumet à Tallien? Ne sont-ce pas là autant de conventions différentes, puisque la majorité, à mesure qu’elle se décime et se dévore, se modifie et se transforme? Il n’y a qu’une chose qui ne varie pas, l’obéissance de ceux qui restent, l’abaissement des caractères, l’oubli de toute résistance et de toute liberté.

M. de Barante nous dit, dans sa préface, que sans la révolution de février son livre n’aurait pas vu le jour. Nous le comprenons. Quel que fût le talent et l’autorité de l’auteur, une histoire vraie de la