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En temps de révolution, il ne manque jamais de gens qui croient la guerre nécessaire, et qui l’appellent à grands cris. Indépendamment des utopistes et des intrigans, deux races d’hommes pour qui la guerre a cet avantage, qu’elle jette le gouvernement hors des voies régulières et le lance dans les hasards, dans l’imprévu, une foule d’honnêtes esprits la désirent et la conseillent comme un dérivatif aux dangers qu’ils redoutent ou qu’ils subissent à l’intérieur. Étrange moyen de guérison, qui consiste non pas à déplacer son mal, mais à s’en donner un de plus! C’est là le grand écueil des époques révolutionnaires. Si malade que soit un pays, il est bon de l’avertir que de toutes ses plaies la guerre sera toujours la pire, car elle rend toutes les autres incurables. Heureuse, elle exalte la passion révolutionnaire et la pousse aux extravagances; malheureuse, elle fait crier à la trahison et sert de prétexte aux plus atroces cruautés. Dans tous les cas, elle est ou elle devient un instrument de tyrannie qui finit par tomber nécessairement dans la main du parti le plus violent et le plus audacieux.

Si ces rhéteurs de la gironde avaient eu l’ombre de prévoyance et d’esprit politique, au lieu de s’acharner à jeter bas cette cour qui tombait de vétusté, ils se seraient construit une digue contre le flot jacobin qui montait derrière eux. Ils auraient compris que la guerre allait rendre toute digue impossible, que le mouvement démagogique soulevé par elle ne rencontrerait plus de frein, que tout serait culbuté, renversé, anéanti, et que, faute d’avoir résisté quand il en était temps, ils n’auraient plus autre chose à faire qu’à courber la tête et à périr. Mais non, ils n’ont rien prévu, rien compris; ils ont voulu la guerre, ils y ont entraîné l’assemblée, ils l’ont imposée au roi, froidement, sans y être poussés eux-mêmes, par pur esprit de parti, par calcul d’ambition; ce fléau d’où devaient sortir tant de crimes, cette cause indirecte ; mais trop réelle, et du 10 août et du 2 septembre, ils l’ont fait éclore avant terme : c’est là, encore un coup, une responsabilité qu’ils ne partagent avec personne, pas même avec Robespierre, puisque, pendant qu’ils demandaient la guerre à la tribune de l’assemblée, Robespierre, non moins imprévoyant, non moins malavisé qu’eux-mêmes, la repoussait à la tribune des jacobins.

S’il était nécessaire de démontrer une fois de plus combien est fausse et superficielle la théorie du fatalisme historique, et à quel point les peuples, comme les individus, sont, quand ils le veulent bien, maîtres de leur destinée, nous n’aurions qu’à comparer deux époques de notre histoire où cette question de paix et de guerre a été agitée avec une ardeur au moins égale et résolue dans deux sens tout différens. Il y a vingt ans, à l’origine du gouvernement de juillet, rappelons-nous quelle surexcitation guerrière s’était emparée des esprits, combien, même chez les plus modérés et les plus timides, s’était enracinée la croyance qu’il faudrait, quoi qu’on fît, en venir aux mains avec l’Europe. Tout