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— Excellence, la signora était sortie. Hélas ! qu’est-il donc arrivé ? Pourvu, mon Dieu, que la boîte n’ait pas été volée !

— Elle l’a été, mais par toi-même.

Ahi ! s’écria Giovannina, voilà notre mariage manqué, car je n’épouserai pas un voleur et un fourbe. Si tu as dérobé cette boîte, si tu as trompé indignement notre bienfaiteur et notre ami, je romps avec toi, Nino, je te chasse de ma présence. J’arracherais plutôt mon faible cœur avec mes ongles que de le donner à un ingrat, à un homme souillé d’une action infâme.

— Rassure-toi, ô ma chère fiancée, dit Nino avec la majesté d’Hippolyte au pied du trône de son père, ne crains rien ; ton époux est digne de toi. Et vous, très-cher seigneur, ne m’accusez pas ainsi sans m’entendre. Par le ciel qui nous éclaire, je vous jure que je suis innocent. Pour vous prouver ma bonne foi, je me déclare responsable de l’objet perdu ; j’en rembourserai la valeur sur mes gages et mes économies, s’il n’est point retrouvé. Combien avez-vous payé ce cadeau, car je devine aisément que c’était quelque bijou ?

— Cent vingt ducats, répondit sir John.

— Tant que cela ! murmura Nino en changeant de visage.

— Tout autant, reprit l’Anglais ; mais qu’importe la valeur de la bague ? Quand tu pourrais la payer, ce qui est impossible, je ne voudrais pas de ton argent. Mon voleur sera puni, quel qu’il soit. Je le ferai mettre aux galères. Tu dis que tu as remis la boîte à la femme de chambre. Nous allons tirer cela au clair dans un moment. Suis-moi, et monte derrière mon carrosse.

Nino marcha résolument jusqu’à la rue. Il ouvrit la portière et baissa le marche-pied avec son empressement accoutumé. D’une voix haute et ferme, il transmit au cocher l’ordre de conduire le patron au Vico Freddo, et, quoiqu’il fût au bord d’un abîme, il soutint son personnage d’innocent offensé avec tant d’aplomb, que le seigneur anglais ne savait plus qu’en penser ; mais, une fois derrière le carrosse et livré à ses réflexions, Nino perdit courage : la perspective d’une confrontation qui allait infailliblement faire tomber son masque changeait son audace en accablement. Chaque tour de roue le rapprochait du fatal dénoûment. Enfin, quand le carrosse entra dans le Vico Freddo, la comédie n’étant plus possible, l’acteur déserta la scène. Le cocher fut obligé de descendre de son siège pour ouvrir la portière.

— Où donc est mon domestique ? demanda l’Anglais.

Scampato, répondit le cocher.

Il avait décampé en effet, et courait à travers les rues, comme si toute la police du royaume eût été à ses trousses.


VII.

Giovannina pleura comme une Madeleine, lorsqu’elle apprit