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qu’une partie de cette société était conservatrice ; romantique, c’est-à-dire révolutionnaire en littérature, parce qu’une autre partie était révolutionnaire en politique ; il a été souvent atroce, parce qu’il s’adressait à un public blasé sur toutes les émotions fortes ; obscène, parce qu’il avait besoin, pour réussir, de flatter des instincts dépravés ; il a été fécond plus que dans aucune autre époque, parce qu’il était devenu mercantile. Au milieu d’une foule de productions destinées à ne vivre qu’un jour, il a donné des œuvres durables qui se placeront incontestablement à côté de ce qu’il y a de plus élevé dans notre répertoire du second ordre ; mais, dans tous les genres vraiment littéraires, il est resté inférieur au grand siècle, et, par les solennels hommages qu’il a rendus à Molière, il a semblé reconnaître que c’était à un autre temps qu’il devait demander sa gloire impérissable.

ch. louandre.


L’OR DE TIPUANI.[1]

Parmi les points du Nouveau-Monde qui ont trop rarement appelé sur eux l’attention de l’Europe, il faut certainement nommer la Bolivie. Les savantes observations de M. Pentland, le bel ouvrage de M. d’Orbigny, quelques études plus récentes[2] ont donné sur la république du Haut-Pérou des notions également précieuses, mais trop peu répandues encore, les unes au point de vue des sciences naturelles et géographiques, les autres au point de vue politique et moral. Il ne manque à la Bolivie, comme à beaucoup d’autres républiques de l’Amérique du Sud, pour entrer en relations plus suivies avec l’Europe, que des moyens de communication plus faciles avec les deux Océans Atlantique et Pacifique. De ce dernier côté, la gigantesque muraille des Cordillères se dresse devant le voyageur comme un rempart infranchissable. Entre l’Atlantique et la Bolivie, on rencontre des obstacles plus redoutables encore, de vastes solitudes où errent des peuplades guerrières et sauvages, des fleuves immenses dont le parcours effraie l’imagination, et qui ne peuvent être franchis par les indigènes, faute de deux forces indispensables : les bras et l’argent. Privée de port (car on ne peut donner ce nom à la rade peu fréquentée de Cobija), la Bolivie ne demande à l’étranger que le petit nombre d’objets manu-

  1. On sait qu’une commission s’est formée en France, il y a peu d’années, pour encourager l’étude des antiquités américaines. Une expédition a même été destinée à continuer et à compléter les recherches commencées en 1805 dans l’Amérique du Sud, sous les auspices du roi d’Espagne Charles IV. La Revue des Deux Mondes, toujours préoccupée de s’assurer de nouvelles sources d’informations sur les deux Amériques, s’est mise en rapport avec la commission scientifique américaine, et les renseignemens qu’on noas communique aujourd’hui sur les sables aurifères de la Bolivie ne seront pas sans doute les seuls documens que nous aurons à publier sur les tentatives d’exploration dont cette partie du Nouveau-Monde est en ce moment le théâtre.
  2. Voyez dans la Revue du 1er mars 1851 la Bolivie et le Pérou, par M. de Lavandais. Voyez aussi l’Annuaire des Deux Mondes, p. 998-1011.