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élans de colère, par des récits passionnés; puis les mille voix de la presse lui ont fait écho. Maintenant le bruit est arrivé jusqu’au sommet de la société; la science et le gouvernement s’en sont emparés, et à peine ce résultat est-il obtenu, que le mouvement commence à s’apaiser au sein des classes laborieuses, et que le calme se rétablit parmi ces populations qui tout à l’heure ne respiraient que révolutions.

Ainsi, ces doctrines et ces théories socialistes n’ont rien de bien dangereux pour l’Angleterre; tout cependant n’y est pas innocent, comme on le voit. Il y a des nuages dans l’air et des points noirs à l’horizon. Çà et là des faits apparaissent qui annoncent, sinon des révolutions prochaines, au moins des désirs de changement. Il y a là aussi de l’inquiétude dans les âmes, des ambitions nouvelles, des aspirations inconnues il n’y a pas long-temps encore. Néanmoins tous ces symptômes peuvent disparaître, grâce au bon sens politique qui a toujours distingué les Anglo-Saxons. Que la bourgeoisie, que les classes moyennes de l’Angleterre n’essaient pas d’empiéter sur l’aristocratie; que l’aristocratie, en conservant ses droits légitimes, continue à n’être ni exclusive ni tyrannique; que les écrivains et les journalistes n’aient pas l’ambition de gouverner l’état : aucune révolution ne sera à craindre. Qu’ils apprennent par notre exemple quels sont les résultats des empiétemens violens des classes les unes sur les autres : c’est à l’équilibre entre toutes les classes de la société que l’Angleterre a dû sa grandeur; c’est à ce même équilibre qu’elle devra sa conservation.


EMILE MONTEGUT.