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qui ouvrirent leur feu contre l’ennemi. Celui-ci hésita, et sa marche fut interrompue. Il étendit ensuite ses lignes, avec le projet de diviser l’attention des assiégés et de donner l’assaut à l’endroit le plus faible; mais partout il trouva l’enceinte garnie de défenseurs. Alors la troupe d’élite, les redoutables amazones, se lancèrent ouvertement contre les murailles; mais elles furent reçues par une mousqueterie si terrible, que le désordre se mit dans leurs rangs et qu’elles firent mine de rebrousser chemin. Les Egbas jugèrent le moment favorable pour faire une sortie, et, après avoir réussi à dépasser l’aile droite de leurs adversaires, ils leur livrèrent combat, en profitant du vent qui leur était favorable pour mettre le feu aux grandes herbes et pour charger l’ennemi à l’abri de la fumée. Les assaillans commencèrent alors leur mouvement de retraite en bon ordre et en soutenant leur marche rétrograde par un feu continuel. Quant au roi de Dahomey, il s’enfuit cette nuit-là même avec deux cents de ses courtisans, laissant le gros de son armée pour couvrir sa retraite. »

Que dites-vous des judicieuses opérations de l’armée assiégée, de ce combat d’avant-garde au passage de la rivière, de cette retraite opportune derrière les murailles de la place, de cette défense qui partout a fait face aux assaillans et de cette sortie exécutée avec tant d’à-propos? Il est évident que cette fois l’Angleterre avait intérêt à venir au secours de l’innocent et de l’opprimé. Ce n’est pas tout : la poursuite des Dahomans a été parfaitement organisée et fort bien conduite. Les Egbas ont saisi le moment où leurs ennemis essayaient, dans leur retraite, de prendre leur revanche en pillant une petite ville, pour tomber sur leurs derrières, les prendre entre deux feux et leur tuer douze cents soldats. C’est ce que nous apprend encore la lettre de M. Townsend.

Nous ne savons si la mission du commandant Forbes n’avait pas d’autre objet que d’amener le roi Guezo à supprimer la traite des noirs et les sacrifices humains; mais M. Winnietts, son prédécesseur, s’était imaginé que le roi Guezo désirait se ranger sous le patronage et peut-être même accepter le protectorat de la Grande-Bretagne. Toutes les fois que leurs desseins politiques exigent l’asservissement d’un peuple? les Anglais ne manquent pas de dire que ce peuple soupire pour la domination britannique, cette domination paternelle qui s’exerce dans l’Inde et aux îles Ioniennes avec tant de mansuétude à force de le répéter aux autres, ils finissent par se le persuader à eux-mêmes. Pour apprécier cependant combien étaient peu fondées les illusions patriotiques de M. Winnietts, il suffit de savoir ce qui s’est passé quand trois forts européens, l’un français, l’autre anglais, le troisième portugais, ont été bâtis sur le territoire du Dahomey. Les commandans voulaient placer ces constructions sur la plage même et à portée des secours de la marine; mais, l’un d’eux ayant eu l’imprudence de dire : « Ici. nous