une tente mobile et bariolée. Des femmes-soldats et des régimens de guerriers masculins entouraient ce groupe royal d’une ceinture de fer. Quand le commandant anglais, descendu de son hamac, s’avança vers le roi en lui présentant la main, l’assemblée tout entière poussa des cris auxquels se mêla le retentissement de l’artillerie. En même temps les ministres, les chefs, qu’on nomme cabocirs à la côte d’Afrique, se prosternèrent la face contre terre, et le vice-roi de Whydah se traîna sur les genoux et sur les mains, en qualité d’introducteur des Européens, jusqu’au roi Guezo. Les formes les plus abjectes de respect sont en usage dans ce pays. Ainsi, au passage d’un chef, les habitans s’accroupissent sur les genoux et les coudes, et dans cette attitude ils battent des mains.
Lorsque les saints d’usage eurent été échangés entre le prince et l’envoyé de la reine Victoria, Guezo offrit des rafraîchissemens à M. Forbes, et, pour lui faire honneur, il voulut boire avec lui. Aussitôt les femmes étendirent un voile devant le visage du souverain, la foule renouvela ses acclamations, et les feticheros agitèrent les queues de cheval qu’ils portent à la main pour chasser les mauvais esprits. Les rapsodes se présentèrent alors; leur poésie ne fut qu’une suite de louanges adressées au chef, « le roi des rois, cet ami de la reine Victoria, la plus grande des souveraines blanches, de même que Guezo est le plus grand des monarques noirs. » Les chants de ces improvisateurs n’en excitèrent pas moins tantôt les rires d’adhésion, tantôt l’enthousiasme guerrier des auditeurs. On s’étonne de trouver au sein de l’Afrique barbare une institution comparable à celle des bardes et des troubadours. Faut-il la considérer comme la conséquence naturelle du goût que les peuples au berceau manifestent pour la poésie, qu’ils aiment comme l’enfance aime les beaux contes? Faut-il supposer que les premiers traitans établis dans le royaume de Dahomey ont introduit à la cour de ces princes belliqueux certains usages des temps féodaux? On serait tenté de le croire en voyant figurer au nombre des charges de la maison de Guezo celle de fou du roi, que se disputent deux Triboulets africains. Quoi qu’il en soit, c’est dans ces rapsodies que se conserve l’histoire des peuples pendant la première période de leur existence, et, dans les récits emphatiques des bardes de Guezo, on retrouve les principaux événemens de ce règne.
Il en est un surtout qui donne une idée de la politique du roi et des moyens qu’il a employés pour agrandir ses états. Au temps du règne d’Adonajah, frère du souverain actuel, le chef d’un royaume voisin nommé Jena étant mort, et le peuple de ce pays ayant refusé la couronne à l’héritier présomptif Dekkon, celui-ci vint demander asile et secours au roi Adonajah, qui le reçut avec honneur, mais lui refusa l’aide de son armée pour le mettre en possession du trône de Jena.