les attaques ; mais sa hauteur, sa raideur, sa partialité, qui le rendait inaccessible aux conseils, exclusif dans ses choix, obstiné dans ses plans, tous ces défauts, qui s’accordaient au reste cette fois avec les préjugés du roi et même de la nation, éclatèrent dans sa conduite ministérielle et contribuèrent sans aucun doute aux échecs qu’éprouva l’Angleterre. Enfin son orgueil et celui de sa patrie furent punis. Quand Lafayette eut enfermé lord Cornwallis dans York-Town, où Washington et Rochambeau le forcèrent à capituler, la Grande-Bretagne dut céder, et le ministère de lord North se retira. Un mois avant ses collègues, lord George Germain avait déposé les sceaux de secrétaire d’état et obtenu pour récompense la pairie avec le titre de vicomte Sackville. On sait que Rockingham et Shelburne furent les ministres de la paix.
À partir de cette époque, lord Sackville vécut encore trois années. Il passa tout ce temps dans la retraite. La vieillesse était venue, la santé déclinait. Un écrivain connu par d’agréables ouvrages, Richard Cumberland, a laissé des mémoires intéressans où il raconte avec de précieux détails cette dernière partie de la vie d’un homme qui ne fut guère aimé que de lui. Lord Sackville l’avait accueilli avec bonté, bien placé dans son ministère, et il finit par l’admettre intimement dans sa maison. Là, suivant cet intelligent témoin, son humeur était grave, mélancolique ; mais l’âge lui avait donné de la résignation et du calme. Bon et charitable pour les petits, il était réservé et imposant avec tous. Sa parole brève et précise commandait le respect ou le silence. Dans sa filiale reconnaissance, le jeune Cumberland, on le sent bien, ne jugeait pas son noble protecteur. Il était à mille lieues de se rendre compte de ses antécédens, ainsi que nous l’avons fait. Il n’avait même jamais entendu dire que lord Sackville eût été soupçonné d’être Junius, lorsque ce dernier, peu de jours avant sa mort, le lui dit en plaisantant. Mais la conversation n’alla pas plus loin ; Cumberland ne lui fit aucune question, la chose ne lui paraissant pas avoir besoin d’être désavouée, parce que, dit-il, il n’y a pas lieu de nier une impossibilité. Peu après, il se passa pourtant une scène qu’il raconte fort bien et qui nous paraît significative et saisissante. Lord Sackville était mourant dans son château de Stoneland, lorsqu’il apprit que lord Mansfield se trouvait à Tunbridge dans son voisinage, et il le fit prier par Cumberland de le venir voir une dernière fois. Lord Mansfield y consentit, et à peine était-il entré dans le salon, qu’il vit paraître lord Sackville dont la respiration faible et les traits altérés annonçaient la fin prochaine. Il fut troublé à cette vue et ne put retenir un mouvement d’horreur qu’un homme ferme ou qu’un ami n’aurait pas montré. Il demeura muet. Dès que Sackville put parler, il s’excusa de l’avoir troublé et de se montrer à lui dans un tel état. « Mais, mon cher lord, dit-il, quoique je n’eusse