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La guerre l’appela bientôt hors de son pays, il fit partie de l’expédition maritime contre Saint-Malo ; puis, las de ce qu’il appelait un métier de boucanier, il passa en Allemagne, où il eut le commandement de toute la cavalerie de l’armée anglo-hanovrienne. Le prince Ferdinand de Brunswick était son général en chef ; Granby, son premier subordonné. Son caractère indocile et allier ne le fit aimer ni de l’un ni de l’autre. Le 1er août 1759, à la bataille de Minden, il était en réserve avec sa cavalerie, lorsqu’au milieu de l’action le prince envoya coup sur coup deux aides-de-camp pour lui donner l’ordre de marcher. Lord George prétendit que l’ordre était obscur, contradictoire : il discuta, il hésita, et pendant qu’il se rendait auprès du prince pour s’en éclaircir, Granby, son second, fit le mouvement commandé et se couvrit de gloire ; mais un temps précieux avait été perdu, et ce retard rendit la victoire moins complète. Quoi qu’il en soit de cet incident militaire encore obscur et débattu, une sorte de clameur s’éleva dans l’armée contre lord George Sackville ; on se vengea sur son honneur des torts de son caractère. On l’accusa de jalousie, d’entêtement, d’irrésolution ; on alla même jusqu’à mettre en doute un courage dont il n’avait, disait-on, que l’orgueilleuse apparence. Il était aussi haï que Granby était populaire ; son avancement avait été rapide, on l’attribuait à sa position parlementaire, à la faveur de M. Pitt, de qui l’on assurait qu’il avait obtenu son commandement à l’insu du roi. Il fut obligé de quitter l’armée, revint en Angleterre et demanda des juges. On commença par lui retirer son poste de lieutenant-général de l’artillerie, son régiment de dragons, même son grade d’officier-général, et ce fut le secrétaire de la guerre, lord Barrington, qui lui signifia les volontés du gouvernement. Pitt, alors à l’apogée de son pouvoir, ne le défendit pas. Par politique comme par patriotisme, il tenait à sa popularité dans l’armée ; il aimait la bravoure et le succès ; il fit assurer le prince Ferdinand qu’il aurait satisfaction. L’opinion se déclara dans le même sens ; une vive controverse s’éleva ; des écrits contradictoires furent publiés, quelques-uns très malveillans contre le patricien atteint dans son honneur. Enfin il comparut en mars 1700 devant une cour composée de seize officiers dont dix étaient Écossais. Les principaux témoins entendus furent le marquis de Granby, qui le ménagea, et un frère du duc de Grafton, le lieutenant-colonel Fitzroy. Cet officier, dont Sackville avait invoqué le témoignage, ne lui fut nullement favorable. Au lieu de se défendre avec simplicité, avec modestie, l’accusé prit avec la cour un ton de maître ; il se montra vif et spirituel, mais méprisant et moqueur. Il fut convaincu de désobéissance et déclaré incapable de servir désormais à un titre militaire quelconque. « Pendant tout le cours des débats, écrivait Walpole, il attaquait le juge, l’accusateur, l’instruction. Réellement, un homme ne saurait manquer de