deux ouvrages successifs furent consacrés à faire une vérité d’une conjecture. Le second ouvrage, qui contient une bonne discussion, produisit un certain effet, et cet effet fut encore augmenté quand lord Brougham, alors M. Brougham, l’analysant dans la Revue d’Édimbourg, no 57, 1817, vint fortifier cette opinion de son autorité. Comme critique, il se connaît en style ; comme juriste, il se connaît en preuves, et son article témoignait de sa double compétence.
Mais sir Philip Francis est peu connu en France. Quel était-il ? Il était né à Dublin en 1740 d’un père homme d’église, qui avait traduit Horace et Démosthène. Après de premières études en Irlande, il vint à dix ans à Londres, où il fut élevé à l’école de Saint-Paul, dont le chef le regardait comme son meilleur écolier, et il eut pour condisciple Samson Woodfall. À seize ans, par la protection de Fox, à qui son père demeura constamment attaché, il fut placé dans les bureaux des affaires étrangères. Pitt, qui succéda à Fox, continua au jeune commis la bienveillance de son prédécesseur, et l’employa même comme secrétaire pour la langue latine (latin secretary). Après avoir suivi au dehors, avec un titre analogue, un général et un ambassadeur, il obtint en 1763, de la bonté de Welbore Ellis, plus tard lord Mendip, un emploi dans les bureaux de la guerre, et il y resta jusqu’en 1772. On a vu qu’après un mécontentement mal expliqué (car il semble que c’est à d’Oyly, non à lui, que lord Barrington fit injustice), il fut obligé de quitter sa place. Peu après il visita la France et l’Italie. De retour à la fin de 1772 ou au commencement de 1773, il fut, au mois de juin suivant, à la recommandation de ce même lord Barrington, nommé par lord North à l’une des trois places de membres du conseil supérieur qui venaient d’être créées pour le gouvernement du Bengale. C’était un emploi élevé et lucratif dont il s’acquitta avec distinction ; mais son esprit absolu, la sévérité de ses principes, l’obstination et la violence de son caractère l’engagèrent dans une lutte constante contre le célèbre gouverneur de l’Inde, Warren Hastings. Ils vécurent en ennemis et finirent par se battre en duel. Francis fut grièvement blessé. Revenu dans sa patrie, il entra au parlement en 1784 et y poursuivit l’accusation de Hastings avec une habileté remarquable et tout l’acharnement de la vengeance. Lié intimement avec Burke, il resta whig et whig ardent, lorsque Burke cessa de l’être, et fit avec Fox, Sheridan, Tierney, toutes les campagnes de l’opposition. Il se signala par des publications politiques écrites avec talent, par quelques discours rares, fort étudiés, mais d’une vivacité brillante. Son jugement était sévère et s’exprimait volontiers par le sarcasme. Il avait plus de réputation dans le monde parlementaire que dans le public. Quoique du parti populaire, il ne fut jamais populaire. Après vingt années environ passées à la chambre des communes, il en sortit pour n’y plus rentrer.