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présomptif d’un trône si mal affermi, il avait fait vœu, s’il y parvenait, d’orner Khoûm de riches édifices et d’exempter les habitans de tout impôt. Devenu châh, le prince accomplit fidèlement son vœu. Il tenta même de relever Khoûm et de lui rendre un peu de l’éclat que ce lieu de pèlerinage, autrefois fréquenté, se sentait humilié d’avoir perdu ; mais le culte des saints ne peut à lui seul sauver les empires, et la ville des Seïds, la ville peuplée des descendans d’Ali, est tombée comme les autres cités de la Perse. Néanmoins le tombeau de Fatmé, que les Persans appellent Massuma ou la Pure, attire encore à Khoûm un assez grand nombre de pèlerins. Cette Fatmé est une petite-fille d’Ali, amenée à Khoûm par son père, l’imâm Moussa, qui voulut la soustraire aux persécutions des kalifes de Bagdad. À sa mort, le peuple crut que Dieu l’avait enlevée au ciel. Son tombeau, quoique vide, n’en est pas moins honoré. Le mausolée, tout de marbre et d’or, est entouré d’une énorme grille d’argent massif. De tous côtés se voient des offrandes consistant en armes, pierreries ou riches vêtemens. La coupole a été revêtue de plaques d’or par Feth-Ali-Châh. J’ai tenté là, comme en beaucoup d’autres endroits, de pénétrer dans le sanctuaire et de soulever le voile abaissé par le fanatisme des musulmans sur ces lieux qu’ils interdisent aux chrétiens. J’étais arrivé jusque dans la dernière cour du monument, guidé dans le labyrinthe sacré par un ferrach ou cicerone de la ville que l’espoir d’une récompense avait enhardi à enfreindre la règle ; mais à peine avais-je quitté la dernière marche de l’escalier qui conduit à l’endroit le plus secret et levé un regard curieux sur la porte du tombeau, qu’un mollah s’élança furieux à ma rencontre. Il n’osa s’en prendre à moi, mais il injuria mon guide en lui intimant l’ordre d’emmener immédiatement le chrétien dont la présence seule souillait le pavé qu’il foulait. Il fallut partir aussitôt sans avoir pu saluer l’étoile sainte qui projette ses rayons lumineux dans le sanctuaire de la foi des Persans.

Parmi les rois de Perse qui se sont fait enterrer à Khoûm figurent Châh-Abbas Il et Châh-Sophi. Feth-Ali-Châh, fidèle à sa dévotion, avait, de son vivant, choisi pour le lieu de sa sépulture une petite mosquée attenante à celle de Fatmé. Il avait pris soin de l’orner de marbres, d’or et de glaces. Il y est enseveli dans une tombe d’albâtre, de forme quadrangulaire, fermée par une tablette sur laquelle est sculpté son portrait en pied. L’imâm Djumâh, le chef des mollahs de la ville, comme s’il avait voulu me faire oublier l’affront que j’avais reçu dans une des cours de cette enceinte, m’invita avec mes compagnons, le lendemain même du jour de ma visite dans la mosquée de Fatmé, à venir prendre le thé dans l’intérieur du sépulcre où est déposé le corps du roi, et il nous fit les honneurs de cette collation avec une parfaite courtoisie.

De Khoûm, nous nous rendîmes à Kachân. À peu près à moitié chemin, nous fîmes halte en un caravansérail qui porte le nom de Pas-