cession. Ils épuisent, dans cette occasion, tout le vocabulaire de leurs imprécations et de leurs injures, et, quand ils ne savent plus qu’ajouter à ce déluge d’outrages, ils mettent la statue en pièces, à coups de pierres et de bâton. Cet Omar factice est creux et recèle dans ses flancs une quantité de sucreries et de petits bonbons de toute espèce qui s’en échappent, et que la populace s’empresse de recueillir.
Les fêtes d’Ali avaient été le principal épisode de notre séjour à Téhéran. La ville, tirée un moment de son calme habituel par ces solennités religieuses, reprit bientôt sa physionomie accoutumé. Rien ne nous retenait plus dans la triste résidence des princes Kadjars, et nous partîmes pour Ispahan, où la cour du châh devait nous offrir un nouvel aspect de la vie persane.
Pendant cinq jours après notre départ de Téhéran, nous marchâmes dans un pays, nu et sur un sol couvert d’une épaisse couche de sel. La chaleur était étouffante, des vapeurs s’élevaient à la surface de la terre et formaient comme un voile qui cachait l’horizon. Excepté quelques montagnes qui se montraient au loin, l’œil ne distinguait aucune forme dans la masse confuse qu’il ne pouvait pénétrer. Une sorte de mirage régnait autour de nous et nous empêchait de distinguer l’horizon réel. Cependant nous avancions toujours, et nos yeux éblouis finirent par distinguer, au-dessus d’un amas de vapeurs bleuâtres, un point brillant qui semblait être l’image du soleil reflétée dans un miroir : c’était la coupole d’or de la mosquée de Khoûm. L’éclatante coupole brilla long-temps à nos yeux impatiens avant que nous eussions pu atteindre la ville, dont l’approche nous fut indiquée par plusieurs mausolées qui bordent la route. Khoûm est considéré comme une cité sainte, et beaucoup de personnages dévots y choisissent le lieu de leur sépulture. Dans les tombeaux qui s’élèvent aux abords de cette ville reposent des imâm-zadèhs, ou descendans d’Ali, considérés comme des saints. Il y a deux siècles, on voyait encore près de Khoûm plus de quatre cents de ces tombeaux ; mais ce nombre est aujourd’hui fort réduit.
Il était deux heures de l’après-midi quand nous arrivâmes au bord d’une rivière qui baigne les murs de la ville ; on la passe sur un pont de douze arches, à l’extrémité duquel s’ouvre une porte conduisant au bazar, et de là dans les rues de Khoûm. Nous fûmes logés dans un grand palais, jadis fort élégant, mais aujourd’hui délabré. Les chyites ont Khoûm en grande vénération. C’est à son rang de cité sainte que cette ville doit toute son importance, car elle n’a d’autre industrie que celle du savon et des poteries communes. Toutefois le sentiment religieux n’a pas suffi à en arrêter la destruction, et maintenant Khoûm est remplie de ruines. Feth-Ali-Châh honorait cette ville d’un pieux respect, qu’il poussait au point de ne marcher jamais qu’à pied dans ses rues. Lorsque son oncle régnait encore et que lui-même était l’héritier