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sage à Téhéran, était un prince beaucoup moins fastueux que son prédécesseur : sa cour et surtout son intérieur étaient fort simples ; plus austère que son grand-père Feth Ali-Châh, il se contentait d’avoir quatre femmes. Sa vie maladive se passait obscurément dans la pratique de vertus privées, bonnes tout au plus à lui conquérir l’estime de son peuple, mais complètement négatives pour la pompe et la gloire de son règne.

Les maisons de Téhéran contrastent par leur aspect généralement pauvre et chétif avec la magnificence de la demeure royale. Elles sont très basses. C’est à peine si l’on en peut citer quelques-unes ayant un étage au-dessus du rez-de-chaussée. Les Persans, n’employant dans leurs constructions que des briques crues assemblées avec un peu de boue, ne pourraient donner un plus grand développement à leurs constructions sans en compromettre la solidité. Nous pûmes nous-mêmes reconnaître pendant notre séjour à Téhéran que la timidité des architectes persans n’était à un certain point de vue que de la prudence. Le temps était devenu très mauvais, et, ce qui arrive fréquemment après l’hiver, des pluies torrentielles étaient tombées pendant quatre jours. On put voir alors un grand nombre de maisons s’affaisser sur elles-mêmes et s’écrouler en obstruant les rues de leurs décombres. De tous côtés, des ouvriers étaient occupés à déblayer et à relever ces ruines improvisées. Deux jours après ce désastre, le temps étant devenu beau, on ne pouvait reconnaître qu’à un enduit de boue encore fraîche les maisons qui avaient été renversées. Comment se fait-il que les Persans, si industrieux et si intelligens d’ailleurs, qui ont autour d’eux de la pierre et de la chaux à profusion, s’obstinent à bâtir avec la fange de leurs ruisseaux de fragiles demeures qui d’un instant à l’autre peuvent les ensevelir sous leurs débris ? La raison de ce fait est dans un usage presque général en Orient, l’usage de bâtir pour soi et non pour ses descendans. Les enfans prennent rarement pour demeure l’habitation de leurs parens. Aussi, à part les maisons des riches, construites d’ordinaire avec des matériaux durables, ne voit-on guère en Perse, dans les villes ou dans les campagnes, que des habitations dont la solidité, calculée pour un petit nombre d’années, n’atteint pas même toujours le terme fixé par l’architecte.

Le climat de Téhéran passe, non sans raison, pour très malsain. Cette ville, située au pied de montagnes qui l’abritent des vents frais, est exposée, sur des terres basses, aux rayons du soleil, qui, pendant près de six mois, sont intolérables. Le vent du sud y arrive brûlant, et le manque d’eau y entretient une malpropreté pernicieuse. Les rues, les bazars, où les chaleurs de l’été vaporisent la fange des cloaques infects que la négligence laisse sans cesse s’y former, exhalent des miasmes malfaisans qui engendrent la fièvre et d’autres maladies dangereuses. Pour s’y soustraire, la cour, les gens riches et en général tous ceux