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seraient plus tard jugées nécessaires, en donnant le droit d’initiative aux membres du grand conseil, alors nommé conseil représentatif. Ainsi, dès l’année 1819, la loi électorale fut révisée, et le cens successivement réduit à la modique somme de 3 francs 25 centimes. L’organisation judiciaire fut notablement perfectionnée. Genève comptait parmi ses législateurs des hommes du plus haut mérite, tels que Bellot, Rossi, Dumont, Sismondi, de Candolle, Pictet. Les savantes et profondes discussions du conseil genevois étaient dirigées par un règlement qui a souvent été cité comme un modèle pour les assemblées délibérantes. Dans l’administration, le vieil esprit républicain dominait ; les magistrats, tout dévoués à la chose publique, ne recevaient en retour de leurs efforts qu’une faible indemnité, mais ils se trouvaient heureux d’obtenir l’estime et la considération de leurs concitoyens. Les finances étaient administrées avec cette intelligence, cet ordre et cette économie qui distinguent en général les négocians genevois. Soumise d’ailleurs au contrôle de la publicité la plus grande, la balance financière de Genève pouvait être vérifiée par chacun, grace aux comptes-rendus mensuels imprimés, distribués et souvent reproduits en partie dans les journaux du canton. Les impôts étant très modérés, le budget n’offrait pas de ressources bien considérables ; mais, grace à la sagesse de l’administration, il suffisait amplement aux besoins de l’état, et se soldait presque toujours par un excédant de recette. Aussi chaque année voyait s’exécuter quelque amélioration, fonder quelque établissement d’utilité publique, qui n’accroissaient pas les charges des citoyens. L’instruction publique, cette source à laquelle Genève a puisé son lustre, fut le premier objet de la sollicitude des conseils. De nouvelles branches d’enseignement furent introduites soit à l’académie, soit au collége ; on créa un musée d’histoire naturelle, un jardin botanique ; on multiplia les écoles primaires. En même temps on ne négligeait, pas l’assainissement et l’embellissement de la ville ; on construisait des ponts, on améliorait les routes. L’état venant au secours des communes les plus pauvres, le canton offrait un aspect d’aisance qui frappait tous les étrangers. Les cultes n’étaient pas oubliés : églises et temples, cures et presbytères recevaient des subsides soit pour les réparations urgentes, soit pour les constructions nouvelles, lorsqu’elles devenaient nécessaires. Le traitement des pasteurs ayant été augmenté, celui des curés le fut aussi, quoique le traité de 1815 eût stipulé simplement qu’il serait maintenu comme par le passé.

À côté de l’action gouvernementale, des sociétés particulières travaillaient avec non moins d’ardeur au bien-être de la petite république. L’association fait la force des pays libres ; elle groupe et féconde les efforts, qui, s’ils étaient isolés, resteraient stériles. Avec sa population de soixante mille ames et un budget d’un million à peine, le canton de Genève a réalisé dans l’espace de vingt-cinq années un ensemble d’institutions tel qu’on n’en rencontre guère que dans les capitales des grands états. Les citoyens semblaient rivaliser de zèle avec l’administration. Non contens de l’aider de leur concours, ils se préoccupaient entre eux des moyens propres à favoriser le développement national. L’agriculture, l’industrie, les beaux-arts, étaient ainsi soutenus et encouragés de la manière la plus réellement utile. Les jeunes gens de toutes les classes pouvaient puiser les notions scientifiques nécessaires à leur profession dans des cours donnés par des professeurs éminens. Une école spéciale d’horlogerie avait