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hommage comme dans les miniatures d’un vieux manuscrit. Il leur prend les mains. « La solennité pour moi, leur dit-il, consiste à recevoir votre main dans la mienne à la manière allemande. C’est le plus beau symbole du peuple allemand dont la fidélité est devenue proverbiale. » - Souveraine puissance de l’idéocratie !

Ce n’est point assurément un royaume d’idéocratie que la Belgique ; elle pratique patiemment son pénible métier d’état moderne, et, malgré toutes les difficultés d’un régime qui ne subordonne pas les difficultés aux systèmes, elle est heureuse et, fière de se gouverner par les humbles lumières de la sagesse constitutionnelle. Cette sagesse est mise maintenant à une épreuve assez laborieuse. Le ministère a présenté un ensemble de projets de loi qui atteste une conception large et vigoureuse des besoins publics. Il propose de faire exécuter, en les répartissant dans les diverses provinces, toute une série de travaux publics, qui, soit à la charge de l’état, soit sous la responsabilité de compagnies auxquelles on garantirait un minimum d’intérêt, coûteraient jusqu’à 120 millions ; il propose encore un emprunt de 26 millions pour éteindre la dette flottante. Ces dépenses, si opportunes qu’elles soient, nécessitent forcément un accroissement de recettes. Le ministère belge se procure les ressources dont il a besoin en établissant de nouveaux impôts, impôts directs et impôts de consommation, afin de distribuer équitablement le fardeau sur toutes les classes. Il veut, d’une part, établir des droits sur les bières, les eaux-de-vie indigènes et les débits de tabac ; de l’autre, augmenter le droit de succession et l’étendit même à la succession en ligne directe, qui échappait jusqu’ici à toute taxation. C’est là le point le plus risqué de son plan, et l’on doit dire que le moment n’est peut-être pas très bien choisi pour grever ainsi l’héritage. Néanmoins le ministère ne veut rien retrancher de ce plan compact. Il ne veut point se lancer dans les dépenses avant d’être sûr des recettes ; il ne veut point frapper le consommateur en épargnant l’héritier.

Après quelques péripéties dont nous avons précédemment parlé, la chambre des représentans a fini par accepter tous ces projets à une grande majorité : mais maintenant la loi particulière relative au droit de succession rencontre beaucoup de résistance dans le sénat. La commission a multiplié les amendemens ; le sénat pourrait bien rejeter le projet, même amendé. Le ministère aura très probablement raison de cette opposition qui l’arrête aujourd’hui. Si le sénat renvoie à la seconde chambre le projet avec les amendemens par lesquels il l’aura modifié, celle-ci à son retour, car elle est entrée d’hier en vacances, rejettera les amendemens et refera le projet primitif. Si alors le sénat refusait encore son assentiment, il en faudrait peut-être venir à une dissolution. Quoique les choix des éligibles soient assez restreints à cause de l’élévation du cens (1,000 florins, 2,111 francs d’imposition directe), on croit que l’on pourrait remplacer une partie, des sénateurs hostiles à la loi, et que dans le sénat ainsi recruté la majorité serait acquise au ministère. Il ne faut cependant pas se dissimuler qu’il est des victoires qui affaiblissent plus qu’elles ne fortifient ; nous en souhaitons d’autres à M. Rogier.

En Hollande, la session des états-généraux approche de son terme. À bien dire, la seconde chambre, en prenant ses vacances depuis quelques semaines, s’était elle-même prorogée. Cette prorogation un peu brusque, qui laissait beaucoup