Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/943

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Agendicum de César que l’Anatilorum, le canard-courroie, de M. Opoix. M. Bourquelot a depuis corroboré ses argumens dans diverses publications relatives à l’histoire de Provins et de la Champagne[1], et nous l’engageons fort, pour notre part, à réunir dans une monographie générale de cette province les nombreux documens qu’il possède, et à mettre en relief dans une œuvre de longue haleine une érudition qu’il a peut-être jusqu’ici un peu trop éparpillée en brochures.

Le département de l’Aisne, qui fut, comme celui de Seine-et-Marne, un démembrement de l’Ile-de-France, après avoir fait primitivement partie de la Picardie, possède à Soissons une société archéologique très zélée qui compte, entre autres, parmi ses membres actifs, M. l’abbé Poquet, qui a écrit diverses monographies sur la cathédrale de Soissons, les abbayes de Saint-Médard et de Notre-Dame de la même ville, le bourg et l’abbaye de Chezy-sur-Marne ; MM. Daras, Williot, Lecomte, Destrez, Decamps et de La Prairie, auteur d’une curieuse notice sur le théâtre romain de Soissons. Ce théâtre, plus vaste que celui d’Arles, atteignait, dans le grand axe de la cavea, 144 mètres, tandis que le célèbre théâtre de Marcellus à Rome en atteignait à peine 140. Ce fait, qui n’avait point encore été remarqué, montre à quel degré de civilisation la Gaule du nord s’était rapidement élevée dès les premiers temps de la conquête romaine, et quelles étranges vicissitudes ont dû traverser quelques-unes de nos villes pour tomber, comme Soissons, du rang de capitale à la modeste condition de sous-préfecture. Tout ce qui se rattache à la question traitée par M. de La Prairie est d’autant plus digne de remarque, que c’est à Soissons qu’on vit au Vie siècle les derniers essais d’imitation des jeux scéniques du paganisme, mais du paganisme transformé déjà par l’influence de la religion nouvelle. Nous voulons parler, on le devine, du cirque que Chilpéric, fit construire dans cette ville en 577, et dans lequel le prince chevelu avait substitué à la mise en scène terrible et grandiose des Romains des bateleurs, des danseuses, des chevaux et des chiens savans. Malgré cet adoucissement, l’église se montra sévère à l égard des jeux scéniques ; quels qu’ils fussent ; elle les poursuivit en les maudissant. Les pompes du culte nouveau achevèrent de détourner la foule de ces amusemens réprouvés ; les théâtres ; abandonnés des spectateurs, servirent de forteresses contre les invasions, ou furent démolis pour bâtir les enceintes des villes ou les églises, et la plupart d’entre eux disparurent du VIe au VIIIe siècle.

Dans la Lorraine, le mouvement archéologique et historique s’est ralenti dans ces derniers temps, et l’on s’est tourné de préférence vers les sciences d’application et l’agriculture. Nous trouvons cependant encore quelques publications intéressantes à mentionner, telles que les Mémoires des académies de Metz, de Nancy et de la société philomatique de Verdun, le Bulletin de la société d’archéologie de Lorraine, la Biographie vosgienne de M. Vuillemin, l’Histoire ecclésiastique de la Province de Trèves et des pays limitrophes de M. l’abbé Clouet, l’Histoire apologétique de l’Église de Metz par M. l’abbé Chaussiez ; le Catalogue

  1. Nous indiquons entre autres les Notices historiques sur le prieuré de Saint-Loup, de Naud, le prieuré de Voulton, la grange aux dîmes, la grosse tour de Provins, et l’article sur Anne Musnier, qui poignarda en 1175 le chef d’un complot tramé contre la vie de Henri-le-Large, comte de Champagne.