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influence les sollicite et comment y répondent elles ? Considérée indépendamment du district dont elle est le centre, la ville de Saint-Quentin renferme un nombre beaucoup plus considérable de commerçans, de commissionnaires que de manufacturiers. Le génie commercial y domine le génie industriel ; c’est par le commerce des batistes et des linons que cette ville, dont la population a monté en quarante années de dix mille à vingt cinq mille ames, avait commencé sa rapide fortune. Or, le commerce est déjà un peu éloigné des ouvriers, auxquels ils ne se mêle pas directement. Livré à ses spéculations, comment serait-il porté à s’occuper beaucoup d’une classe dont il ignore bien souvent le véritable état ? Voulons-nous dire qu’ici les travailleurs de l’industrie sont entièrement abandonnés, à eux-mêmes sans que personne songe à les aider et à les soutenir ? Non : quelques hommes généreux ont même su prendre une initiative intelligente qui a trouvé de l’écho et dans la municipalité et dans la population aisée mais cette action, d’ailleurs assez récente, est encore circonscrite dans un cercle peu étendu ; elle pourrait s’ingénier davantage à trouver des moyens d’atteindre à la source du mal. Voici, par exemple, les écoles communales qui sont insuffisantes : la ville continue néanmoins à fermer sa porte aux frères de la Doctrine chrétienne. Craint-on que les ouvriers n’envoient pas leurs enfans dans ces classes ? L’expérience accomplie dans tant d’autres villes de fabrique démontre combien cette appréhension serait erronée. Disons-le plutôt, il y a dans cette localité, parmi la bourgeoisie, un levain profond de cet esprit prétendu voltairien qui florissait au temps de la restauration. Une société de dames, dite Société de la Providence, et, il est vrai, instituée pour venir au secours de quelques familles au moyen de prêts gratuits d’objets mobiliers, notamment d’articles de literie. Dans une contrée où le mobilier des indigens est déplorablement négligé, où il n’est pas rare de voir un même lit servir à cinq ou six personnes, cette œuvre est sans doute d’une incontestable utilité. Resserrée toutefois dans des limites étroites, elle ne saurait avoir une influence sociale digne d’être signalée. Un seul mode d’action nous paraît largement approprié aux besoins de la localité, un seul attaque l’ouvrier dans le retranchement de ses vices. Ce mode consiste dans la destination donnée, depuis quelques années, à des terrains communaux voisins de la ville. Saint-Quentin possède une assez grande étendue de terres situées près de ses boulevards et qu’elle a l’intention d’aliéner ; en attendant des acquéreurs, on a imaginé de diviser ces terrains en petits lots et de les donner gratuitement à des ouvriers qui les cultivent. Le nombre de ces lots est de quatre à cinq cents ; pour en obtenir un, on doit adresser une demande à une commission spéciale prise dans le sein du conseil de la cité ; les allocations sont faites pour un an. À Saint-Quentin, où le chômage du lundi