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à l’histoire, aux psaumes de David. Plus tard, M. Sainte-Beuve a réimprimé ces Portraits avec des notes explicatives, atténuatives. À mes yeux, c’est une faute. Il n’y a dans cette galerie si habilement composée rien à effacer, rien à désavouer. La date de chaque portrait explique l’entraînement avec lequel sont développées certaines opinions, et l’auteur n’avait pas besoin de faire amende honorable. Personne ne songe à s’étonner qu’une discussion soutenue par un avocat de vingt-six ans soit ardente et passionnée.

Quant aux portraits écrits par M. Sainte-Beuve depuis la fin de la restauration, ils sont empreints d’un caractère tout différent ; la préoccupation polémique a fait place à la préoccupation biographique. On dirait que l’auteur, en prenant la plume, ne manque jamais de relire quelques chapitres de Boswell pour encourager, pour redoubler sa curiosité. Ce que le biographe anglais a fait pour Samuel Johnson, M. Sainte-Beuve s’efforce de le faire pour tous ses modèles ; il tient à savoir ce qu’ils ont pensé, ce qu’ils ont dit jour par jour. Si plus d’une fois il a poussé trop loin ses investigations, s’il n’a pas toujours trié les détails qu’il racontait avec un goût assez sévère, il faut reconnaître pourtant que sa curiosité patiente nous a valu des récits animés d’un vif intérêt. Qu’il nous parle de Joseph de Maistre ou de Mme de Souza, de Lamartine ou de Béranger, de Mme de Krüdner ou de Mme de Charrières, il ne veut rien négliger, et il n’aborde son sujet qu’après l’avoir interrogé dans tous les sens. Aussi est-il probable que nos neveux, en feuilletant ces biographies, renonceront à l’espérance d’y rien ajouter. Dans cette seconde série de portraits, l’écrivain tient moins de place que l’homme. C’est au caractère, à l’éducation, aux habitudes, aux relations, aux amitiés de son modèle que M. Sainte-Beuve demandait l’explication de ses œuvres. La littérature proprement dite s’efface devant l’analyse morale. Chacun conçoit sans peine que ces portraits n’aient pas exercé sur le goût public une action aussi décisive. Dans l’application de cette méthode ingénieuse, M. Sainte-Beuve n’a pas de rival ; personne ne sait comme lui grouper les détails biographiques et placer dans son vrai jour le personnage qu’il veut nous montrer. La lecture de cette seconde série est pleine de charme et de variété. Quoique la pensée, à force de chercher la finesse, se divise souvent en parcelles trop tenues et déroute les esprits habitués aux rapides lectures, elle ne manque jamais de laisser dans la mémoire un utile enseignement. Mais de tels portraits n’ont pas grand’chose à démêler avec les principes littéraires soutenus par l’auteur pendant les deux dernières années de la restauration ; il est donc naturel qu’ils n’aient pas agi d’une façon marquée sur le goût du public. C’est une lecture, en effet, qui s’adresse plutôt à la curiosité qu’à la réflexion. Je dois ajouter d’ailleurs que le