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diacre, et montait avec un autre missionnaire, M. Daveluy, sur la barque qui venait d’accomplir ce miraculeux voyage. À la fin de 1845, le prélat et ses compagnons entraient furtivement dans Seoul, où la piété des chrétiens coréens leur avait préparé un asile.

À côté de la Corée, les îles Lou-tchou devaient, comme une dépendance de l’empire japonais, attirer l’attention de la Propagande. La corvette l’Alcmène avait, au mois d’avril 1844, porté dans ces îles un missionnaire catholique, M. Forcade. Les communications constantes que les Lou-tchou entretiennent par Nafa avec le Japon semblaient un moyen indirect d’entrer en relations avec cet empire. L’amiral Cecille eût voulu trouver à Nafa un port d’entrepôt pour le commerce avec le Japon, le saint-siège un point de départ pour une mission autrefois florissante et qu’il tenait à honneur de rétablir. Le missionnaire porté aux îles Lou-tchou par l’Alcmène venait d’être nommé évêque de Samos et vicaire apostolique du Japon. La police se fait trop bien dans l’empire japonais pour qu’on y puisse tenter ces introductions clandestines qui ont réussi en Corée et en Cochinchine. Les premiers pas du missionnaire sur ces côtes interdites l’auraient conduit infailliblement à un martyr stérile. Néanmoins, si l’on parvenait à se créer quelques relations dans le pays, si l’on se procurait des guides japonais, comme on avait eu des guides chinois et coréens, il était certain que du sein des missions s’élanceraient à l’instant des hommes pour lesquels ces menaces de mort ne seraient qu’une séduction de plus. Ce sont ces relations, ce sont ces guides que M. Forcade était venu chercher à Nafa, quand l’amiral avait envoyé l’Alcmène aux îles Lou-tchou pour y sonder le terrain des intérêts commerciaux ; mais l’amiral et le missionnaire devaient voir leur espoir également déçu. Le gouvernement du Japon ne voulait point autoriser de rapports, si indirects qu’ils pussent être, entre ses sujets et d’autres Européens que ceux qu’il admettait une fois l’an à Nangasaki. M. Forcade n’en parvint pas moins à exploiter la curiosité de gardes chargés de le surveiller. Au bout de six mois, il parlait avec facilité la langue du pays. Ce fut l’unique succès qu’il put obtenir : le gouvernement oukinien, sans le persécuter, avait très habilement fait le vide autour de lui. Dès que le missionnaire sortait de la bonzerie qui lui avait été assignée pour demeure, ses gardes le suivaient, faisaient fermer les portes et éloigner les curieux. Ce n’était point à ces natures molles et pusillanimes qu’on pouvait faire accepter les vérités du christianisme.

Si la Chine se montrait momentanément bienveillante, l’empire annamite, la Corée, les îles Lou-tchou, moins accessibles, provoquaient, on le voit, de nouveaux efforts et devaient entretenir l’activité de notre marine. L’amiral Cécille, parti de Macao dans les premiers mois de 1946, se rendit d’abord aux îles Lou-tchou et mouilla dans le port d’Ounting.