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plus considérable des Lou-tchou, la grande Oukinia, possède deux excellens ports, et la position centrale de cette île la désigne comme l’entrepôt naturel du commerce de la Chine, du japon et de la Corée. Aujourd’hui le royaume oukinien se borne à acheter dans le Fo-kien des étoffes de soie et des médicamens. Le riz, le coton, le thé, le tabac, la cire végétale, les métaux, lui sont apportés par les marchands japonais, qui reçoivent en échange du soufre, un sucre grossier, et quelques étoffes fabriquées dans le pays avec les fils du bananier textile. L’aspect florissant des campagnes indique le bon ordre qui règne dans cette monarchie en miniature ; malheureusement cet ordre n’assure que le bien-être de la classe privilégiée ; au-dessous de quelques familles riches et oisives vit un peuple famélique qui ne peut posséder la terre qu’il cultive. Nul instinct de révolte dans les classes asservies ne provoque d’ailleurs la sévérité des oppresseurs. La police est absolue, s’étend à tous les actes de la vie, mais n’est point sanguinaire comme en Cochinchine ou en Corée. Nulle part, on ne rencontre d’armes dans ces îles ; si les habitans, comme on l’a prétendu, en conservent de cachées, il est fort douteux qu’ils sachent s’en servir. Pour qui les a vus accroupis sur leurs nattes, vêtus de leurs longues robes, les cheveux relevés au sommet de la tête et retenus par une double aiguille de métal, avec leur physionomie débonnaire et leur face bouffie, l’éventail parait la seule âme qui convienne à cet apathique troupeau de vieilles femmes.

Les îles Lou-tchou, par leur admirable situation, par leur climat délicieux, sous lequel on rencontre la végétation des tropiques confondue avec celle des régions tempérées, semblent faites pour exciter la convoitise des puissances européennes ; mais la population inoffensive qui les habite se défend mieux par la douceur de ses mœurs que le peuple chinois par ses inutiles violences. Tout prétexte manquerait à l’agression, et aucune puissance civilisée ne voudrait accepter la responsabilité d’un tel acte. D’un autre, côté, les traités de commerce, dans l’état actuel des choses, seraient sans importance ; ils seraient d’ailleurs impossibles, le Japon ne les tolérerait pas. Ces honnêtes insulaires paraissent donc destinés à goûter en paix leur calme et uniforme existence jusqu’au jour où l’empire du Japon ouvrira ses ports aux navires européens. Ce jour paraît encore éloigné : dans les états du souverain Japonais, comme dans ceux de l’empereur de Chine, on n’entrevoit de paix et de sécurité qu’à l’abri de la politique d’isolement. À l’exception des Hollandais et des Chinois admis une fois l’an à Nangasaki, les étrangers sont entièrement exclus des côtes du Japon. Une population de 34 millions d’ames vit là, dans une paix profonde, grace à la plus inflexible des disciplines. Le Japonais, de même que le Chinois, ne peut sortir de son pays sans encourir la peine capitale ; mais en Chine les