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beaucoup moins avancés que les pirates de l’archipel malais. Ils constituent cependant la véritable, la seule armée chinoise. Outre cette armée, la Chine compte une nombreuse milice. Le métier des armes y est, comme dans les huit bannières, un héritage de famille. Quand le fils a pu apprendre de son père à manier le sabre et le bouclier, à frapper d’une main et à se couvrir de l’autre, quand il sait lancer une flèche au but ou charger l’arquebuse, il se présente devant le mandaria, et, après avoir donné les preuves de capacité requises, achète le droit de servir l’empereur. Ce brevet, délivré pour quelques taëls[1], vaut au soldat chinois une ration de riz ou un coin de terrain qui assure sa subsistance. Attachés au sol, ces miliciens ne sont point rassemblés dans des casernes. Chaque soldat vit chez lui, entouré de ses enfans, cultive tranquillement sa portion du territoire céleste, et n’endosse l’uniforme que dans de rares occasions. Au moment du besoin, on ne retrouve pas le quart des soldats inscrits sur les registres des mandarins. Quelques-uns ne répondent pas à l’appel, le plus grand nombre n’a jamais existé. Leur solde a servi à grossir la paie insuffisante des officiers. Une fois rangée sous les drapeaux, cette multitude indisciplinée se mutine souvent, et on voit des corps entiers, arrivés en présence de l’ennemi, refuser de se battre, à moins qu’on ne les paie pour faire leur devoir. Avant l’expédition des Anglais en 1840, la guerre était en effet une éventualité imprévue dans ces contrées vouées à une profonde, et le champ de bataille ne paraissait pas le terrain inévitable sur lequel dût s’exercer la profession militaire ; les voleurs même, dont les bandes, grossies par la misère et l’oppression, ont souvent menacé l’intégrité de l’empire, les voleurs redoutent peu les soldats chinois. Ils ont été plus souvent désarmés par des négociations opportunes que domptés par l’armée impériale. Il en est de même des pirates qui infestent les côtes du Fo-kien et le golfe du Tong-king. Ces écumeurs de la mer de Chine battent les jonques de guerre et se rient des bateaux mandarins, qui ne sont propres qu’à la navigation des fleuves. Quand le gouvernement a voulu disperser ces pirates, il s’est vu forcé de leur opposer un de leurs chefs, qui, détaché de l’association, a passé avec une partie de la flotte rebelle au service de l’empereur.

Le désordre des finances est encore une des plaies de l’empire chinois, L’impôt se perçoit en nature ou en numéraire, et doit être apporté à Pe-king aux frais des contribuables. En argent, le trésor impérial ne reçoit, année moyenne, que 479 millions de francs ; mais les quantités de riz, de thé, de soie, de cotonnades qu’engouffre la seule

  1. Le taël vaut 7 fr. 50 cent.