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dont jouissait sans rien payer quiconque était chef de famille. On est encore loin cependant d’en être déjà revenu à la charte constitutionnelle, et les chartistes ont un grand intérêt et un grand devoir à ne pas déserter les élections. Si le parti constitutionnel et modéré ne se divise pas, il est à peu près maître du terrain. Les ultra-progressistes n’ont plus de chances maintenant qu’ils ont été abandonnés par les miguélistes, leurs étranges alliés d’un moment, lesquels déclarent aujourd’hui qu’ils ne veulent de coalition avec aucun parti. Le ministère, si désorganisé qu’il soit (et il l’est beaucoup, puisque le bruit courait qu’il avait encore été changé pendant les courtes vacances que le maréchal a été prendre à Cintra), le ministère est forcé de paraître très occupé des projets de chemins de fer qui sont en grande faveur dans le public de Lisbonne. Il a nommé une commission pour lui faire un rapport sur les plans qu’on lui présenterait, et il a dû publier un programme des conditions auxquelles il admettrait les soumissionnaires. Ceux-ci sont naturellement des entrepreneurs anglais, et l’on comprend que cette qualité soit d’un certain poids pour aider au mouvement de l’opinion et peser avec elle sur l’esprit des ministres. Le chemin projeté, et il est question de deux projets, irait de Lisbonne à Elvas ; ce serait une grande facilité pour le commerce avec l’Espagne, et les Anglais y voient déjà la perspective d’un abaissement des tarifs.

Ces perspectives d’ordre et de progrès pacifiques sont malheureusement trop compromises par les troubles de la rue que l’on a sous les yeux à Lisbonne, et qui tiennent en Portugal tout le devant de la scène. Ce n’est pas impunément que l’on fait des révolutions militaires : les armées peuvent sauver un état de la démagogie, mais qui les sauvera d’elles-mêmes, lorsqu’elles sont elles-mêmes la démagogie sous l’uniforme ? Toute discipline a péri dans la garnison de Lisbonne ; les différens corps de troupes qui occupent la ville en viennent chaque jour aux mains. Les privilégiés de l’insurrection ne pouvaient manquer de devenir odieux au reste de l’armée : la garde municipale, le 2e chasseurs, le 16e d’infanterie, sont en lutte ouverte avec les autres régimens. Le roi s’est, dit-on, plaint amèrement auprès du maréchal d’une si déplorable anarchie. Le maréchal n’en est pas moins chaque jour investi d’un surcroît de dignités. On lui a rendu son office de majordome-major, le premier de la maison royale ; on l’a fait aide-de-camp du roi, qui courait naguère à sa poursuite pour le traiter en rebelle. Il est vrai qu’on prétend que cette accumulation de charges honorifiques sur une même tête n’est qu’un procédé poli pour arriver à retirer au maréchal Saldanha la présidence du conseil, dont il est décidément incapable de porter le très réel fardeau.

ALEXANDRE THOMAS.


HISTORIA GENERAL DE ESPANA, por don Modesto Lafuente[1]. – Ce serait une grave erreur et une grave injustice que de supposer le génie peu propre aux travaux historiques ; rien ne serait moins fondé qu’un tel jugement l’Espagne, au contraire, est un des pays où il s’est produit le plus d’historiens

  1. 4 tomes parus, Madrid, chez Mellado ; Paris, librairie espagnole, 14, rue de Provence.