Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/697

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que je me borne à résumer ici d’après ses souvenirs, nous montre la guerre d’indépendance arrivée à un de ses momens les plus critiques.

La petite ville de Pucuaro, vers laquelle se dirigeait Berrendo, avait, dans le courant même de l’année 1814, attiré à divers titres l’attention des Mexicains et des Espagnols. C’était là qu’à la suite d’un engagement sanglant avec les troupes royalistes, le frère du général don Ignacio Rayon, don Ramon, s’était retiré avec une centaine d’hommes, les seuls qui eussent pu quitter, sous sa conduite, le champ de bataille ; mais, chose singulière, on avait perdu la trace de don Ramon et de sa petite troupe depuis l’époque même de leur entrée à Pucuaro ; personne ne pouvait dire s’ils étaient sortis de la ville, et cependant rien n’y indiquait leur présence. On devait croire qu’ils n’avaient fait que traverser Pucuaro, et qu’ils s’en étaient éloignés furtivement, à l’insu des habitans ; mais où s’étaient-ils dirigés ? C’était là une question qui préoccupait aussi bien les guerrilleros mexicains que les généraux espagnols, mais qui tourmentait par-dessus tout don Ignacio Rayon. Désireux d’opérer sa jonction avec son frère don Ramon don Ignacio faisait, depuis un mois, battre par ses courriers, mais inutilement tout l’état de San-Luis-Potosi, lorsque Berrendo se chargea, à son tour, de découvrir l’inaccessible retraite de la bande si singulièrement disparue. C’était cette mission difficile qui ramenait sur la route de Puruaro au moment où nous l’avons rencontré découvrant les premières maisons de la ville et pressant son cheval haletant pour y arriver sans encombre ni retard.

Berrendo s’applaudissait déjà de toucher au terme de son voyage ; mais les banderoles d’un régiment de lanciers espagnols, — le régiment de Navarre, — qu’il aperçut flottant au loin dans la plaine vinrent brusquement changer le cours de ses pensées. Les lanciers se dirigeaient de son côté, et, en sa qualité d’insurgé, le cavalier avait d’excellens motifs pour ne pas désirer cette rencontre. Il était précisément à un endroit de la route où un chêne énorme, au tronc creusé par l’âge, étendait de larges branches au pied d’un rempart de rochers dont le sommet s’exhaussait graduellement jusqu’à former une assez haute colline. Le cavalier pensa qu’un insurgé figurerait merveilleusement à l’une des branches du chêne, et cette réflexion redoubla son malaise. Tout à coup Berrendo remarqua un lierre presque aussi vieux que le chêne, et qui, après avoir couvert tout un côté du tronc, retombait en un large rideau d’un vert sombre dont les plis s’accrochaient aux anfractuosités des rochers. Par une inspiration soudaine, il mit pied à terre, souleva la draperie de lierre et poussa un cri de joie : ce rideau cachait l’entrée d’une grotte obscure par laquelle un cheval pouvait facilement passer. Tirer son cheval après lui et se