restaurations des archéologues d’Athènes, se révèle aujourd’hui dans toute sa grace aussi bien que dans toute sa grandeur. À l’époque où les édifices grecs disparaissaient à moitié sous des monceaux de terre et de décombres, on s’épuisait dans un pénible effort pour les compléter par la pensée, et on n’allait pas plus loin. Aujourd’hui, tout qui reste étant dès l’abord aperçu, la conception de ce qui a péri est prompte et facile, et le plaisir de bien voir et d’admirer une fois goûté, on se tourne involontairement vers le paysage, que l’on admire à son tour. Bientôt on arrive à comparer le paysage et le monument, et l’on finit par saisir entre l’un et l’autre un rapport mystérieux, comme un air de famille ou une indéfinissable ressemblance. Dès, lors, on a pénétré l’un des secrets de la perfection de l’art antique, et l’on se dit que des artistes nés au sein d’une nature aussi parfaite ne pouvaient s’empêcher de mettre dans leurs œuvres cette merveilleuse beauté qu’ils respiraient avec la vie, et dont leur ame, qu’elle en eût conscience ou non, était tout imprégnée.
Quelques voyageurs sont déconcertés en voyant la Grèce actuelle presque nue, ses montagnes déboisées, ses plaines souvent désertes et stériles, et la plupart de ses fleuves taris. Comme elle a perdu son manteau de verdure, ils pensent qu’elle n’a plus sa beauté. Qu’ils y prennent garde cependant : l’épreuve de la nudité, si fatale aux corps mal faits, la Grèce la brave. Les fleurs, les arbres et les prés ne la gâteraient pas sans doute ; mais elle s’en passe et n’en souffre pas, parce que sa perfection, comme toute perfection réelle, lui vient non de la couleur, mais de la constitution et de la forme. Une figure vraiment belle peut impunément pâlir, que dis-je ? elle y gagne parfois. Le Parthénon était peint des plus vives couleurs : la pluie et les vents qui ont décolore sa noble face ont-ils donc emporté sa beauté ?
La montagne, la plaine, lamer, les îles se rapprochent et s’unissent en Grèce dans un continuel embrassement ; écartez-vous des rivages, cherchez les sommets les plus élevés ou les plus secrètes vallées, vous croyez la mer éloignée, regardez : elle est à vos pieds. Parvenus un jour jusqu’au fond des gorges où se cache Phylé, la forteresse de Thrasybule, nous pensions bien être emprisonnés dans une enceinte de monts. Tout à coup un double rayon de soleil passant entre deux nuages nous montra, à l’orient, la plaine d’Athènes s’achevant doucement à l’Hymette, et, plus au midi, dans un pli de l’OEgialée, un coin bleu du golfe d’Éleusis pris entre les roches comme un fragment tombé de la voûte du ciel. Il n’est pas de province où ces riches perspectives ne se présentent plusieurs fois. Dans la seule Attique, trois admirables paysages étalent, dans des situations analogues, la même et toujours nouvelle diversité. La plaine d’Athènes, celle de Marathon et celle d’Éleusis s’étendent également entre un amphithéâtre de montagnes