Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/584

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volonté de passer outre, reviendrait, à ce qu’on croit, vers des sentimens moins vifs. Sans renoncer à des plans qu’elle poursuit avec toute l’opiniâtreté d’une fortune redevenue heureuse, la cour de Vienne en ajournerait l’exécution. On assure que le cabinet de Pétersbourg aurait agi très utilement à Vienne pour déterminer cette sorte de concession. Ce serait là l’effet d’un revirement intérieur dans la direction de la politique russe sur ce terrain. Le czar Nicolas avait d’abord considéré cette incorporation de l’Autriche dans l’Allemagne comme une garantie contre le désordre révolutionnaire ; M. de Nesselrode y verrait surtout l’inconvénient d’une modification profonde de l’équilibre européen, d’une altération durable des traités de 1815.

L’état général de l’Italie est un autre sujet d’embarras pour les hautes puissances intéressées au maintien de la paix. Ce n’est pas du Piémont que vient surtout le péril, malgré les calomnies qui le représentent toujours expirant sous les coups des mazziniens. Les institutions libres s’affermissent à Turin, et y protégent l’ordre en même temps que la liberté. Les pays où de fatales circonstances ont amené de violentes répressions intérieures sont moins tranquilles malgré la surveillance qui les observe. On dirait que le sol est miné par les trames secrètes des conspirations souterraines, et qu’il tremble sous les pas. Il y a là d’extrêmes difficultés qui compliquent cruellement la situation de la France en Italie. La France garde le pape à Rome, et ce qu’il y a de pénible dans cette fonction ainsi prolongée, si honorable qu’elle soit, n’a pas toujours été adouci par une confiance très entière. Après tout, le pape peut bien éprouver les mêmes inquiétudes que nous sur les conséquences de l’année 1852. Il a chez lui tout à point une armée qui, dans de certaines mains, servirait vite à les lui faire sentir. On a cependant exagéré beaucoup les embarras qui avaient pu se présenter dans des relations nécessairement délicates. Le pape était allé à Castel-Gandolpho pour le simple plaisir de la villégiature ; le voisinage avait amené une rencontre du roi de Naples. Peu s’en est fallu qu’on ne transformât cet incident très inoffensif en une tentative calculée de fuite et de recours aux Napolitains. La vérité est que le pape serait fort embarrassé de recourir, pour se passer de nous, soit à l’Autriche, soit à Naples. L’Autriche ne se soucie pas d’occuper Rome, et le pape, qui sait ce que coûte l’occupation des Autrichiens, se soucie encore moins de changer pour eux des hôtes aussi cordialement généreux que nous. Nous avons à Rome dix mille Français, parfaitement commandés et disciplinés, que nous payons sur notre budget, et qui mangent leur solde au profit des bourses romaines. L’entretien des troupes autrichiennes enlève au contraire à la trésorerie pontificale 155,000 fr. par mois, sans compter les circonstances extraordinaires, comme la fourniture d’habillemens, qu’il fallut livrer gratis il y a quelque temps. Le roi de Naples, de son côté, a très grand besoin de ses troupes : il complète ses régimens suisses, il enrôle de nouvelles recrues, il est inquiet de l’esprit de son pays ; ce n’est pas pour s’aventurer au dehors. Le pape, en vérité, n’a pas le choix des protecteurs, et la république française se conduit bien avec lui comme si elle avait hérité du titre des rois très chrétiens, et qu’elle fût la fille aînée de l’église.

L’Espagne n’offre point d’apparence si sombre : le temps n’est plus là des révolutions tragiques. À Madrid aussi, les chambres vont se clore. Le monde parlementaire