façon toute cavalière dont M. Couder a traité les peintures du Rosso au château de Fontainebleau. Ce serait une pitoyable défense. Si M. Couder a commis une faute irréparable, s’il a dénaturé une série de compositions qui, sans pouvoir lutter avec les chefs-d’œuvre de l’art, ont pris cependant un rang éminent dans l’histoire, est-ce une raison pour suivre cet exemple absurde ? Je laisse au bon sens le soin de résoudre cette question. L’improbation publique aurait dû éclairer M. Guichard sur le danger d’une pareille fantaisie, et lui révéler tous les reproches qu’il allait mériter. Il ne reste aux amis de la peinture qu’à confondre MM. Guichard et Couder dans un commun anathème.
L’ancienne administration du Louvre, qui a bien des fautes à se reprocher, avait pourtant compris la nécessité d’isoler les maîtres primitifs. Soit dédain, soit intelligence, car je n’ai pas la prétention de deviner les motifs de sa conduite, elle avait placé dans la salle d’entrée toutes les peintures empreintes du style byzantin. M. Duban, en conseillant à l’administration nouvelle de changer la destination de cette salle, a commis une faute grave, et la raillerie dont il se plaindra peut-être n’est à mes yeux que l’expression de la justice. Je ne veux pas lui demander pourquoi il a fermé l’entrée du salon carré, pourquoi le public, après avoir franchi le premier étage, est obligé de tourner à gauche et de passer par la galerie d’Apollon : il me répondrait sans doute qu’il a voulu obliger la foule à contempler l’œuvre de Lebrun rendue à sa première splendeur. Ce qu’il y a de certain, c’est que la salle d’entrée où se trouvaient autrefois les maîtres primitifs, transformée aujourd’hui en salle de bijouterie, ressemble à une chapelle funèbre. Les esprits enclins à la plaisanterie ont eu raison de demander pourquoi on avait négligé d’allumer les cierges : un mort étendu sur un lit compléterait dignement la décoration de cette salle. M. Duban a cru peut-être que les bijoux disposés sur ce fond sombre paraîtraient plus éclatans, plus précieux ; il doit savoir maintenant à quoi s’en tenir sur la valeur de cette opinion : il a voulu faire de cette salle un écrin, et la foule a répondu à cette fantaisie par un éclat de rire.
Quant à l’administration, qui s’est prêtée à cet étrange caprice, je ne saurais non plus l’amnistier : elle a laissé M. Duban disposer tout à son aise de la salle d’entrée, la décorer comme une chapelle ardente, sans songer un seul instant à ce qu’allaient devenir les maîtres primitifs : c’est de sa part une imprudence qu’on ne peut excuser. Les œuvres des maîtres primitifs, trop peu nombreuses dans notre musée, ne peuvent être appréciées qu’à la condition d’occuper une place à part. Dès qu’une main ignorante ou étourdie les confond avec les maîtres du XVe et du XVIe siècle, elles sont condamnées à l’indifférence, à l’inattention. Le fra Angelico si follement encadré aujourd’hui dans le salon carré, entre Titien, Rubens, Van Dyck et Gérard Dow, appartenait naturellement à la collection des dessins, et c’est en effet dans cette collection que l’administration nouvelle est allée le chercher. Cette peinture en détrempe, placée près d’une peinture à l’huile, doit nécessairement perdre toute sa valeur, et je ne comprends pas que des hommes habitués à voir des tableaux puissent commettre une pareille bévue : il faut vraiment vouloir servir de cible aux reproches et aux railleries pour mettre fra Angelico côte à côte avec Rubens.
M. Jeanron, qui, pendant sa trop courte administration, a fait beaucoup pour le Musée, avait pensé avec raison que toutes les œuvres du même maître doivent