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les parties ténébreuses de la grande galerie est, à vrai dire, le seul service que M. Duban ait rendu à la peinture, et la manière dédaigneuse dont il s’est acquitté de cette tâche n’était pas de nature à lui mériter l’indulgence ; aussi ne faut-il pas s’étonner si le salon carré et la salle dite des sept cheminées ont été jugés avec sévérité.

La décoration du salon carré, confiée à M. Simart, offre plusieurs parties très recommandables. Malheureusement le sculpteur, en obéissant aux instructions de l’architecte, s’est trouvé entraîné dans une voie parfaitement fausse. Tous ceux qui ont suivi depuis vingt ans l’histoire de la sculpture en France savent à quoi s’en tenir sur le talent de M. Simart. Chacun rend justice aux études sévères par lesquelles il s’est préparé à la pratique de son art. Son Oreste poursuivi par les Euménides, ses bas-reliefs pour le tombeau de Napoléon, ont marqué sa place parmi les artistes les plus sérieux et les plus habiles de notre temps. Affranchi du caprice de M. Duban, j’aime à croire qu’il eût trouvé pour le salon carré une décoration que le goût pût avouer ; soumis à la volonté impérieuse de l’architecte, il a exécuté avec un soin que je me plais à reconnaître des figures et des bas-reliefs qui ont le tort très grave de ne pas répondre à leur destination.

Quatre bas-reliefs en forme de médaillons représentent les quatre arts du dessin peinture, sculpture, gravure et architecture. M. Simart a choisi, pour personnifier ces quatre faces de la fantaisie, Nicolas Poussin, Jean Goujon, Pesne et Pierre Lescot. Le nom de Pesne est le seul qui puisse soulever une discussion. Quoique ce graveur, maladroit dans le maniement de son burin, ait rendu à Poussin d’incontestables services en respectant fidèlement le caractère de ses compositions, il eût été plus sage, à mon avis, de choisir Audran, qui non-seulement a très habilement interprété les compositions de Lebrun ; mais dont les gravures sont très supérieures aux tableaux qu’il a copiés. Sauf cette réserve, qui sera faite par tous les esprits familiarisés avec l’histoire des arts du dessin, je reconnais volontiers que M. Simart a traité dignement les sujets qui lui étaient confiés. Nicolas Poussin, Jean Goujon et Pierre Lescot personnifient en effet d’une façon éclatante la peinture, la sculpture et l’architecture. Les médaillons destinés à représenter ces trois artistes éminens sont traités avec une grande élégance. Toutefois il est permis de se demander pourquoi l’auteur, après avoir placé Jean Goujon entre deux figures traitées dans le style de ce maître, a soumis Nicolas Poussin, Pierre Lescot et Pesne aux mêmes conditions. C’est une fantaisie que le goût ne peut avouer. En décorant l’hémicycle de l’École des Beaux-Arts, M. Delaroche a cru devoir nous représenter dans le style florentin les maîtres de l’école florentine, dans le style romain les maîtres de l’école romaine, dans le style vénitien les maîtres de l’école vénitienne. Cette idée n’a produit qu’une œuvre sans unité. M. Simart, séduit par le style de Jean Goujon, a cru pouvoir l’appliquer à l’expression de toutes les idées qui lui étaient confiées. C’est à mes yeux une erreur grave. Non-seulement je pense qu’il eût été sage de figurer Jean Goujon sans lui emprunter son style, mais je suis convaincu que le style de Jean Goujon, appliqué à la représentation de Pierre Lescot et surtout de Nicolas Poussin, est un véritable non-sens. C’est introduire de gaieté de cœur la monotonie dans des sujets qui sont naturellement variés. Je pourrais à la rigueur accepter le style de Jean Goujon