du cimetière ceux qui ne s’étaient point repentis. Le refus de sépulture, comme la pénitence publique, avait donc un but moral ; c’était, en présence de la barbarie du moyen-âge, une véritable nécessité, et s’il devint souvent, comme l’excommunication, une source d’abus très graves, ce n’est point l’église qui doit en être responsable, mais les individus qui, dans l’église, s’écartaient du véritable esprit de ses institutions. Il est à remarquer d’ailleurs qu’à toutes les époques, et au moment même où des membres indignes du clergé donnaient l’exemple de tous les désordres, des voix éloquentes s’élevèrent toujours du sein du clergé même pour gémir et pour protester. Hincmar flétrit avec indignation la cupidité des prêtres qui refusaient l’entrée du cimetière à ceux qui les avaient oubliés dans leur testament. Agobar déclare indignes du nom de chrétien ceux qui avaient recours aux ordalies et à toutes les pratiques superstitieuses que l’ignorance, aidée des derniers souvenirs du paganisme, avait introduites dans le sanctuaire. Si l’église espagnole rétablit par l’inquisition le sacrifice humain dans la loi religieuse, saint Bernard proclame, avec l’église de France, qu’il faut engager, et non forcer à croire, fides suadenda, non imponenda, et l’on peut dire sans exagération qu’au milieu des ténèbres les plus profondes, au milieu des désordres les plus scandaleux, l’esprit chrétien ne fut jamais complètement obscurci, et que les traditions des temps primitifs se conservèrent toujours, et d’une manière continue, dans quelques ames d’élite.
L’église a dit souvent qu’elle était la mère des malheureux, et elle l’a dit avec raison, car les documens les plus authentiques constatent que sa sollicitude s’étendait à toutes les misères. « Si vous n’avez qu’une bouchée de pain, disait saint Césaire, partagez-la ; si le pain vous manque, donnez vos larmes : c’est l’aumône du cœur, la seule qui reste aux pauvres ; elle est aussi sainte, aussi pure aux yeux de Dieu que l’aumône d’argent. » Ce précepte de l’évêque d’Arles fut rigoureusement suivi. C’est aux évêques qu’appartient la gloire d’avoir fondé les hôpitaux, et tout porte à croire que, dans les Gaules, le premier établissement de ce genre est dû à saint Césaire. Les villes épiscopales en furent aussi dotées les premières, et en 816 le règlement d’Amalaire impose aux évêques français l’obligation d’annexer des hospices aux cathédrales et de leur assurer des ressources suffisantes. Tous ceux qui étaient faibles ou qui souffraient, dans ces âges où la faiblesse était toujours opprimée par la force, tous ceux que la dureté des temps avait dépossédés, se plaçaient sous le patronage des églises et vivaient de leur pain. Chaque paroisse, chaque monastère nourrissait un certain nombre de malheureux, qui étaient considérés comme de véritables bénéficiers et qu’on dégradait lorsqu’ils se rendaient indignes. Inscrits sur le registre matricule de l’église, ces pauvres formaient