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de la barbarie mérovingienne, il adoucit, par ses exemples et ses avis, l’âpreté des rois chevelus. Les successeurs de Germain, dignes héritiers de sa piété et de sa science, travaillèrent, comme lui, à développer la civilisation morale, à maintenir la paix publique. Céranne ou Céran, qui vivait en 614, s’occupa de recueillir les actes des martyrs, et d’en populariser la connaissance dans son diocèse, pour entretenir, par de grands exemples, le courage et le dévouement des fidèles confiés à ses soins. Au milieu du même siècle, saint Landry étonne par les miracles de sa charité. En 651, pendant une famine, il vendit ses habits et les vases sacrés de son église pour nourrir les pauvres, et, tout en s’occupant de bonnes œuvres, il seconda avec un zèle infatigable l’étude des lettres et du droit. Ce fut lui qui engagea Marculfe à écrire ses Formules, et c’est à cet encouragement que nous devons l’un des monumens les plus curieux de notre ancienne législation ; c’est aussi à un évêque, Erchenrad, que Paris est redevable de l’établissement de ses écoles, qui furent, on peut le dire sans exagération, l’une des premières causes de sa suzeraineté intellectuelle.

De l’époque où vécut saint Denis jusqu’au IXe siècle, un seul des prélats parisiens, Saffaracus, oublia les devoirs de son ministère. Accusé et convaincu par ses propres aveux d’un crime capital, dans un concile convoqué à Paris tout exprès pour le juger, il fut condamné à être enfermé pour le reste de ses jours dans un monastère ; mais c’est là un fait exceptionnel. Ses successeurs firent oublier bien vite le scandale qu’il avait causé, et en 886 l’évêque Gozlin acquit, sur un théâtre inconnu jusqu’alors à l’épiscopat, une gloire nouvelle. Appelé, vers 883, au gouvernement de l’église de Paris, Gozlin mit tous ses soins à fortifier l’île de la Cité, car il prévoyait qu’un jour ou l’autre les Normands, attirés par les richesses de la cathédrale, tenteraient de la mettre au pillage, et de s’établir, comme ils le faisaient partout, dans un poste qui les rendait maîtres de l’un des fleuves les plus importans de l’empire. Germain, Laudry, Erchenrad, avaient fondé des abbayes, des écoles, des églises. Pour défendre et sauver d’une ruine inévitable ce que ses prédécesseurs avaient créé, Gozlin bâtit des tours et des remparts, et quand le chef normand Sigefred se présenta, au mois d’octobre 886, sous les murs de Paris, sur une flotte montée, dit-on, par quarante mille hommes, l’évêque Gozlin, aidé du comte Eudes et d’Èble, son propre neveu, opposa aux pirates une résistance désespérée. La défaite, c’était la mort ; mais, pour l’évêque, cette mort du champ de bataille, c’était le martyre. Soutenu par le sentiment du devoir, excité par sa foi, et peut-être aussi par cette fascination des nobles dangers qui séduit les grands cœurs, Gozlin fit planter une croix sur la brèche, et, le casque en tête, la hache à la main, il se porta toujours aux premiers rangs pour repousser les attaques nombreuses que les