Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/532

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’administration. Plus tard, elles devinrent tout à la fois des écoles, des juridictions, des principautés souvent rivales de la couronne, et leur influence dans l’ordre civil fut aussi grande que dans l’ordre ecclésiastique. Par leur hiérarchie, leur discipline, elles formèrent de véritables petits royaumes qui avaient leur souverain représenté par l’évêque, leurs assemblées législatives représentées par les chapitres, leur budget, leurs sujets et même leurs soldats.

Notre-Dame offre un des exemples les plus saillans de cette organisation puissante et complexe. Le haut clergé de cette cathédrale se composait de l’évêque et des chanoines. L’évêque était élu par eux, et son élection devait se faire de trois manières : — par inspiration, par compromis, ou au scrutin. Dans l’élection par inspiration, le doyen du chapitre, après le Veni Creator, disait à ses collègues assemblés dans l’église : « Très chers frères, il me paraît qu’un tel est digne d’être élu. » On recueillait les voix, et, quand les chanoines avaient accepté à l’unanimité le candidat proposé par le doyen, on proclamait le nouvel évêque. Dans l’élection par compromis, chaque membre du chapitre apposait, en signe d’acceptation, son nom au bas d’un acte d’investiture ; enfin, dans l’élection au scrutin, on votait, comme aujourd’hui, sur des bulletins séparés.

Ainsi, dans la théocratie elle-même, le principe électif était la base de l’autorité ; mais ce principe, toujours contesté et toujours défendu, subit les plus grandes variations. Primitivement, l’épiscopat était dévolu au plus digne, dans le temple ou sur la place publique, par l’acclamation du peuple et du clergé, clero et populo acclamante ; mais les prêtres des premiers âges avaient une si haute idée des fonctions épiscopales, la responsabilité qu’elles entraînaient à leurs yeux était si grande, que, bien loin de solliciter des suffrages, ils essayaient souvent de s’y soustraire, persuadés que c’était se montrer indignes du titre d’évêque que de le rechercher. Cette sainte frayeur des dignités ne devait cependant se rencontrer que dans les temps héroïques du christianisme. Dès le VIe siècle, on vit les ecclésiastiques et les laïques eux-mêmes se disputer, par les moyens les plus coupables, la crosse et l’anneau, et, comme l’élection sans contre-poids avait entraîné les plus graves désordres, les rois crurent devoir interposer leur autorité. Carloman, au concile de Liptines, essaya de remédier aux abus par une espèce de coup d’état : il décida que les évêques seraient établis par les rois, avec l’aide du clergé et des grands. Les choix n’en furent pas meilleurs, et, pendant plusieurs siècles, malgré les conciles, qui défendaient, autant qu’il était en eux, le suffrage direct et universel, on essaya des modes les plus divers et les plus opposés : tantôt ce furent les rois qui présentèrent des candidats à l’acceptation du peuple et du clergé, tantôt ce furent le peuple et le clergé qui les présentèrent à l’acceptation des rois ; la couronne garda aussi pour elle-même les choix et les nominations,