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la navigation. Quant à l’enlèvement même de la tangue, rien ne serait plus facile que d’en approprier les procédés aux nouvelles conditions dans lesquelles il devrait s’opérer. La direction des courans de flot les plus chargés de cette substance est connue ; de vastes espaces ouverts à leur épanchement sur les grèves assureraient à jamais le renouvellement des dépôts. Ces tanguières resteraient accessibles aux voitures de l’agriculture, et les bateaux y pénétreraient par des écluses de garde qui empêcheraient les eaux du canal principal de se déverser dans la baie. La ténacité routinière des habitans des campagnes ne serait sans doute pas désarmée par ces précautions ; mais ces nouveautés auraient un puissant auxiliaire dans la suppression du droit de 15 centimes par charge de cheval que s’arrogent, contre tout droit, les riverains de la baie sur l’enlèvement de la tangue devant leurs propriétés.

Les nations ne vivent pas de beau langage, à plus forte raison de mauvais, et la nôtre est peut-être pour long-temps encore réduite à ce régime. Tant qu’il durera, ou pourra rappeler les projets de Vauban, faire des vœux pour la réforme du système pénitentiaire, réclamer l’allégement des charges qu’impose aux contribuables l’oisiveté des détenus, recommander la transformation de la prison du Mont-Saint-Michel en une maison spéciale où les bras des condamnés seraient employés à la création de nouveaux ports et de nouveaux territoires ; mais il serait peu raisonnable d’espérer voir l’action prendre la place de la parole. Il ne faut pourtant pas considérer comme tout-à-fait perdues les heures employées à ces sortes de recherches ; d’autres les reprendront un jour avec plus d’avantage, et, dans ce temps d’amoindrissement des hommes et des choses, il ne manque pas de tâches plus ingrates que celle d’interroger le passé, et de semer les souvenirs de quelques conceptions utiles sur la route d’un avenir incertain.

J.-J. Baude.