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et le soutient aux heures de défaillance. Ressembler à Uli, c’est le grand point : que de bonnes pensées, que de charmantes espérances dans ce mot-là ! Pour obtenir des résultats de cette nature il faut certes et une inspiration profondément humaine et un art accompli. Le secret de M. Jérémie Gotthelf, je le sais, c’est son amour pour ces paysans de la Suisse qu’il veut arracher aux mauvaises mœurs, c’est son ardent désir de repousser la propagande démagogique et de vaincre la barbarie. Cette excellente inspiration toutefois ne suffirait pas sans un vif sentiment de l’art, sans une richesse naturelle d’invention poétique. M. Jérémie Gotthelf est un artiste du premier ordre, un artiste qui paraît ne relever que de lui-même. Il a créé un genre, ou du moins une forme, qui lui est propre ; il sait, il voit, il sent les choses de la campagne avec une franchise énergique, avec une sympathie pénétrante, et il a pour les reproduire des procédés et des couleurs d’une singulière originalité. Le plus souvent les autres romanciers rustiques ont recours à une simplicité affectée ou à une poésie d’emprunt ; dans les peintures les plus ingénieuses et les plus belles, il y a presque toujours un endroit où l’artifice de la composition se substitue manifestement à la réalité, où le faux éclate et se trahit. Rien de pareil dans les récits de M. Gotthelf ; c’est bien le tableau de la vie qui se meut sous nos regards. Les longueurs mêmes du récit (l’auteur ne s’en fait pas faute) ne sont jamais complètement sans excuse. O l’heureuse habileté dans ce qui semble parfois une négligence ! le charmant va-et-vient ! que ce babil de la ferme est reproduit avec gaieté ! comme tout cela chante et bavarde au milieu des gloussemens des poules et des beuglemens des vaches ! L’idiome de l’auteur, tout imprégné d’odeurs agrestes a vraiment une saveur étrange. Je ne sais comment un traducteur s’y prendrait pour faire passer dans notre langue tant de métaphores hardies, tant d’images et de comparaisons nées du sol même ou directement prises au langage du paysan ; moins copieux est le beurre de la ferme, moins vivaces et moins parfumés sont les pâturages de l’Oberland.

L’histoire d’Uli était trop bien appropriée aux desseins de M. Jérémie Gotthelf pour qu’il n’eût pas l’idée de poursuivre cette excellente veine. C’est une entreprise périlleuse de continuer une œuvre qui a réussi ; en voulant achever le portrait, on court le risque de l’affaiblir ; le premier feu de l’invention n’est plus là, les couleurs s’éteignent, et, au lieu d’une œuvre vivante, on n’a le plus souvent que la pâle copie d’une vigoureuse peinture. M. Jérémie Gotthelf a évité ce péril ; cette suite de l’histoire d’Uli n’est pas une répétition des tableaux qu’il avait si heureusement imaginés : si le personnage principal est le même, le sujet est tout différent et devait fournir des ressources fécondes à une imagination bien douée. Uli le fermier a aussi son éducation à faire, mais cette éducation ne ressemble en rien à celle du pauvre valet. Il