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vis-à-vis Châteauneuf, est de 13 mètres, et que la haute mer y est plus basse que dans la baie et beaucoup moins exposée au refoulement causé par les tempêtes[1].

Les dimensions à donner au canal pour le libre épanchement des eaux comporteraient, comme dans les principaux canaux des Flamands et des Hollandais, l’admission des navires. Ainsi le service du desséchement se combinerait avec celui de la grande navigation ; Dol, Pontorson et Antrain par le Couesnon, Ducey par la Sélune, Avranches par la Sée, recevraient les bâtimens entrés dans le canal à Châteauneuf ; la ligne navigable et ses deux principales ramifications offriraient un développement de 70 kilomètres, et le commerce qui prendrait cette voie aurait la Rance maritime tout entière pour rade et pour abri.

La bouche de granit par laquelle descendraient dans le bassin tranquille de la Rance les eaux qui concourent aujourd’hui à la dévastation des grèves ne serait d’ailleurs exposée à aucun des dangers ou des inconvéniens des issues ouvertes sur la baie ; le cours des émissaires qui n’atteignent les digues de Dol qu’au travers de tranchées profondes et à la charge d’un entretien onéreux serait renversé, et ils deviendraient eux-mêmes des tributaires de la ligne de plus bas niveau des marais, au lieu d’en être des dérivations. Les suintemens des marais suivant, pour s’écouler, la pente naturelle du terrain, des problèmes hydrauliques toujours dispendieux à résoudre cesseraient de se poser : désormais affranchies des corrosions des eaux intérieures vomies avec le jusant et ne présentant plus qu’un front uniforme et compacte, les digues n’auraient plus à supporter que le poids momentané de l’étal des marées de vive eau, et elles auraient peu de peine à résister à l’effort affaibli de la mer. Cette charge elle-même s’allégerait bientôt, et l’enceinte actuelle ne tarderait pas à faire l’office de ces vieilles digues de la Hollande loin desquelles la mer s’est dès long-temps retirée, et qui ne servent plus que de routes aux campagnes pour la défense desquelles elles furent construites. Du moment où le détournement de tous les cours d’eau qui tombent dans la baie ferait cesser l’agitation le long de la laisse de haute mer, où les embouchures du Couesnon, de la Sélune, de la Sée, seraient transformées en gaines abritées, où le fond de grèves cesserait d’être balayé par de violens courans de jusant, les dépôts de tangue et de sable s’accumuleraient sur le pourtour de la baie

  1. Des objections fondées sur la difficulté de l’écoulement des eaux par Châteauneuf ont été faites contre le projet de Vauban par MM. Anfray, et Gagelin, qui furent chargés en 1799, d’une étude des moyens de rétablir le desséchement des marais de Dol ; mais, ces ingénieurs supposaient des sections d’écoulement évidemment insuffisantes, et raisonnaient sur des données théoriques aujourd’hui condamnées. Ils se seraient défiés de leurs conclusions s’ils avaient connu le régime des canaux de l’arrondissement de Dunkerque, où l’eau coule en dépit des formules qu’ils admettaient.