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En ce moment, le pilotin piqua à la cloche les huit coups de minuit, et le commissaire me souhaita le bonsoir. Le lendemain matin, je réfléchis que notre pilote grec devait savoir sa langue, et je l’interrogeai sur la signification du mot Vasiliky. Il répondit que c’était le nom de la favorite du fameux Ali, pacha de Janina. Après l’inspection, le commissaire vint à moi.

— Je me suis trompé hier, me dit-il : Vasiliky est le nom de la favorite du fameux Ali, pacha de Janina.

Je me doutais que le commissaire avait eu recours, ainsi que moi, à la science du pilote ; mais cette nouvelle explication ne m’en apprenait pas davantage. Dès que je pus descendre, je courus à l’auberge je n’y trouvai personne. J’appelai, je parcourus les ruines, la galerie, les chambres : la maison était vide. Les jours suivans, même silence aucun des hôtes ne parut au logis, et je finis par douter moi-même de ce que j’avais vu, et par croire que l’esprit de l’homme rêve éveillé aussi bien qu’endormi.

Sur ces entrefaites, la Fleur de Lis, dont la mission à Naxos était terminée, rejoignit l’amiral aux îles d’Ourlac ; d’autres soins chassèrent ces idées, et l’annonce d’une expédition prochaine en Morée, les exercices auxquels les équipages étaient astreints, reportèrent mes pensées vers les coups de fusil que chacun s’apprêta à tirer de son mieux.


II – TCHESME. – CHIO.

Un soir, le commandant, qui était allé dîner chez l’amiral, échangea en rentrant à bord deux mots avec le lieutenant ; celui-ci se tourna vers l’officier de quart, qui demanda le capitaine d’armes. Ordre fut donné de battre le branle-bas. Les roulemens du tambour réveillèrent les matelots. Que se passait-il donc ? On parlait d’une entreprise audacieuse, d’un coup de plain tenté par des pirates. Bientôt on commanda l’appareillage ; nous partîmes, et le jour suivant la Fleur de Lis atteignit le mouillage de Tchesnié, sur la côte d’Asie. Dès que l’ancre fut tombée, un officier reçut l’ordre de se tenir prêt à partir le lendemain pour aller remplir une mission auprès du gouverneur de Chio.

Le commandant de la frégate avait prévenu les officiers qu’il leur laissait vingt-quatre heures pour visiter la côte d’Asie. Une excursion aux environs de Tchesnié fut bien vite organisée. Le fils d’un vieux Juif, qui s’était glissé à notre bord dès l’arrivée, avec des flacons d’eau de senteur, des pipes, des bouts d’ambre, des étoffes de Brousse et des légumes frais, nous servit de guide. Arrivés à terre, nous montâmes de bons chevaux, et Ruben enfourcha modestement un âne qu’il fallut rouer de coups pour le décider à prendre le pas. Nous fûmes bientôt à Tchesmé. Construite en bois, perchée sur une hauteur