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d’un rayon d’en haut. Elle-même avait raconté ce qu’elle ressentit en ce moment solennel dans un écrit qui a échappé à toutes nos recherches, mais qui a été sous les yeux de Villefore, et dont il donne ce précieux fragment : « Il se tira, dit-elle, comme un rideau devant les yeux de mon esprit. Tous les charmes de la vérité rassemblés sous un seul objet se présentèrent devant moi ; la foi, qui avoit demeuré comme morte et ensevelie sous mes passions, se renouvela. Je me trouvai somme une personne qui, après un profond sommeil où elle a songé qu’elle étoit grande, heureuse, honorée, estimée de tout le monde, se réveille tout d’un coup, et se trouve chargée de chaînes, percée de plaies, abattue de langueur, et renfermée dans une prison obscure. » Villefore a pu polir et vraisemblablement affaiblir le style de ce morceau ; mais, sauf quelques expressions, tout y appartient manifestement à Mme de Longueville. Vingt-trois ans plus tard, et peu de temps avant sa mort, écrivant à son confesseur, M. Marcel, curé de Saint-Jacques du Haut-Pas, elle lui rappelle ce grand jour du 2 août 1654 : « Je vous demande vos prières pour le 2 du mois qui vient. Demandez à Dieu qu’il ne me rende pas indigne de la grande grace qu’il m’a faite ce jour-là. Ces années-là me doivent être si précieuses, que je ne veux pas que vous en croyiez une de moins. Il y en aura donc vingt-trois dimanche. »

Le 2 août 1654, Mme de Longueville, née le 29 août 1619, avait trente-cinq ans, et elle devait être plus belle encore que ne la représente un peu plus tard le portrait de Mignard. C’est dire adieu bien jeune et bien belle à toutes les affections humaines. Cependant elle y renonça sans retour, et depuis ce moment je n’ai rencontré aucune lettre d’elle où soit le moindre regard vers le passé, sinon pour en gémir et en faire pénitence. Sa première démarche fut de se remettre entre les mains de son mari, dont elle était séparée depuis plusieurs années. Il vint la chercher lui-même à Moulins, et la mena dans son gouvernement de Normandie. Il se conduisit avec elle en honnête homme, et elle mit tous ses soins à le rendre heureux. À la fin de l’année 1654, nous la trouvons en Normandie auprès de M. de Longueville, rentrée sous la règle, bien décidée à ne s’en plus écarter, et ne demandant à Dieu que la paix, comme elle le dit elle-même dans cette lettre à Lenet :


« D’Aquigny, ce 3 septembre (1654). »

« Je vous suis trop obligée de continuer à vous intéresser comme vous faistes à ce qui me regarde. Je n’en douttois point, et sur ce fondement j’ay esté fort aysément persuadée que vous serais bien ayse de mon retour auprès de M. de Longueville, qui m’a receue avec des joies infinies. Il est icy présentement, et quand cela est, j’ay sy peu de temps à moy que je ne puis vous escrire amplement les particularités de mon