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bonnes nouvelles à ses amis, je n’ay pas voulu menquer à vous aprendre (non pas que Foceuse[1] est sorty de Paris, car vous auriés la mémoire courte si vous l’aviés desjà oublié), mais qu’Anery[2] et M. de Longueville sont en présence. Nous atendons le succeds de cette mémorable journée ; vous en scaurés le succeds au premier jour. — Ne montre cette folie icy à ame du monde, et songés à nous donner un tout petit soupé. À ce soir. »

Malgré le ton badin de ces derniers billets, Mme de Longueville était dévorée de soucis. Les ennemis de la fronde devenaient de jour en jour plus nombreux et plus puissans à Bordeaux. Pour se soutenir, elle était forcée de caresser des passions qu’elle méprisait, et de s’appuyer sur le bas peuple, qui n’était pas facile à conduire. La division était dans le sein du parti. Ce qui la désolait particulièrement, c’étaient les placards qu’on affichait dans la ville, et qui contenaient les plus violentes injures contre sa personne. Elle craignait que ces placards n’arrivassent jusqu’à Paris. On la voit faire toute sorte d’efforts pour les supprimer et en découvrir les auteurs. Je trouve dans les papiers de Lenet un de ces placards qui peut être publié et qui donnera une idée des autres.


« Juillet 2652.

« Je vous supplie de vouloir retirer tout le plus de ces placarts que vous pourrés, et de les faire brusler, car il y a des sottises que je seray bien aise qui n’aillent pas à Paris. Je vous en charge. Rendez-moi bon compte de cette affaire. »

« On dit qu’on a encore mis des placarts cette nuit. Je ne doutte pas que vous ne le scachiez, et je ne vous le mande pas aussi pour vous l’aprandre, mais pour vous dire que je pense tout-à-fait nécessaire qu’on fasse toutes sortes d’efforts pour descouvrir et par conséquent punir les auteurs de cette insolence. Je vous supplie d’en imaginer les moyens et de les ordonner aux personnes que vous jeugerez les plus propres à exécuter cette entreprise.


« MESSIEURS,

« On fit brusler lundi dernier quatre papiers qu’on avoit trouvé affichés dans quatre divers carrefours de notre ville ; ils n’ont mérité le feu que pour avoir dit la vérité. Vous avez donc souffert, messieurs de Bordeaux, qu’on fît le sacrifice de lettres et de caractères pour appaiser la crainte, du tyran et la colère de la duchesse vertueuse. Mais quoique vous soyez nais (nés) pour la servitude, et que vous ne respirez plus que le sentiment des aises lasches et basses, je ne désespére pas du salut public, sachant comme je scay que les esclaves de l’armée, pensionnaire

  1. J’ignore de qui il peut être ici question.
  2. Est-ce la personne dont parle Retz, t. II, p. 45, etc. ?