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tenues, car Tallemant nous dit qu’elle leur envoya de son exil son portrait avec un cercle de diamans ; et quelques années après, ayant trouvé l’occasion de rendre service à Scudéry, elle la saisit avec empressement.


A MONSIEUR CHAPELAIN.

« De Bordeaux le 22 aoust 1652.

« Quand vous auriez demeuré encore plus longtemps sans me temoigner vos sentimens sur ma maladie, je les aurois toujours fort bien imaginés, et je pense que vous me rendez la mesme justice, et que quand je ne vous dirois point les miens sur le mal que vous avez eu, vous ne laisseriez pas de croire qu’il m’a esté fort sensible. Je vous en assure néantmoins, quoique je sois persuadée que c’est sans besoin, et vous conjure de croire que je vous conserve une affection très sincère, et que celle que vous me témoignez en sentant les accidents bizarres où la fortune m’expose, me touche jusqu’au fond du cœur. Je souhaite que la paix me donne bien tost le moyen de vous le dire de vive voix, et qu’elle redonne au monde le repos dont il y a si long-temps qu’il est privé. C’est un souhait fort désinteressé que celuy que je fais la dessus ; car mille choses, dont vous en imaginerez quelques unes, m’empeschent d’espérer d’avoir part à la tranquillité publique. Mais ce n’est pas ici un chapitre à traiter par lettres, et il vaut mieux vous prier de me faire avoir la huitième partie de Cyrus, qu’on me mande qui est imprimée, et qu’on ne veut point débiter qu’après la paix. J’ay si peu de divertissement au lieu où je suis que je ne veux point perdre celuy-là, et je m’adresse à vous pour me le procurer et pour me conserver votre amitié que j’estime toujours comme elle la doit estre[1]. »


Au MESME.


Du mesme lieu, le 29 aout 1652[2].

Vous jugerez par l’empressement que j’avois de vous demander la 8e partie de Cyrus, avec combien de joye je l’ay reçeue. Je vous avoue pourtant que ce n’est pas sans honte que je considère la continuation de la générosité de M. et Mlle de Scudéry. Et quoy qu’il y ayt beaucoup de plaisir à en estre l’objet, il y en a si peu à faire croire au monde qu’on ne mérite pas de l’estre, que cette dernière chose empesche tout à fait la satisfaction que la première donneroit[3]. Je m’assure que vous serez bien ma caution là dessus, et que vous la serez aussi que si je suis jamais en estat de faire paroistre ma reconnoissance à ces deux généreuses personnes, je le feray avec une joye extrême. Témoignez leur de ma part, je vous en conjure, et leur dites que

  1. Papiers de Conrart, t. X, p. 251.
  2. Ibid.
  3. Dès que le sentiment ne soutient plus Mme de Longueville, elle tombe dans une subtilité embarrassée, qui est assez de mise, il est vrai, en écrivant à Chapelain et à Scudéry.