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d’avouer[1], comme un peu plus tard il fera faire par Mme de Sablé des articles de journal à sa gloire, qu’il corrigera de sa propre main, ôtant soigneusement les petites critiques qui avaient été mises pour donner du poids aux louanges, en sorte que la pauvre femme, en revenant des Carmélites ou de Port-Royal, eût pu rencontrer, dans les rares salons où elle allait encore, l’histoire de ses amours et la peinture de ses défauts tracée de la main de celui qui eût dû mourir pour la défendre, fût-ce même contre la vérité. La Rochefoucauld, après la fronde, arrangea très bien ses affaires avec la cour ; il s’y ménagea et s’y soutint ; il brigua même la place de gouverneur du dauphin, qui fut donnée à Montausier. Dans sa vieillesse, il s’entoura de femmes aimables, qui toutes en étaient avec lui à l’admiration et aux petits soins, et dont l’une, Mme de La Fayette, lui consacra sa vie et remplaça Mme de Longueville. Combien la conduite de celle-ci est différente ! L’amour l’avait engagée dans la fronde, l’amour l’y avait soutenue ; dès que l’amour lui manque, elle ne sait plus où elle en est. L’altière héroïne qui, pour faire la guerre à Mazarin, avait vendu ses pierreries, engagé sa fortune, traversé la mer dans une barque et pensé s’y noyer, soulevé le Midi et tenu en échec la puissance royale, dès qu’il ne s’agit plus que d’elle, se retire de la scène, rentre dans l’ombre, se voue à la solitude à trente-cinq ans, et dans toute sa beauté, ne retenant du passé de sa vie que le souvenir de ses fautes, comme Mlle de Lavallière. Ah ! sans doute il eût mieux valu lutter contre son cœur, et, à force de courage et de vigilance, se sauver de toute faiblesse. Nous mettons un genou en terre devant celles qui n’ont jamais failli ; mais quand à Mlle de Lavallière ou à Mme de Longueville on ose comparer Mme de Maintenon, avec les calculs sans fin de sa prudence mondaine et les scrupules tardifs d’une piété qui vient toujours à l’appui de sa fortune, nous protestons de toute la puissance de notre ame. Nous sommes hautement pour la sœur Louise de la Miséricorde et pour la pénitente de M. Marcel. Nous préférons mille fois l’opprobre dont elles essaient en vain de se couvrir à la vaine considération qui a entouré, dans une cour dégénérée et devant l’Europe tremblante, Mme Scarron, devenue en secret la femme de Louis XIV. Deux choses seules nous touchent, la vertu vraie et la passion vraie : l’une, qui est au-dessus de tout et que Dieu seul peut dignement récompenser ; l’autre, qu’il ne faut pas trop célébrer, mais qui a son excuse au moins et une sorte de grandeur dans ses élans désintéressés, dans ses sacrifices, dans ses souffrances, surtout dans ses expiations.

  1. Voyez p. 59 et surtout p. 198. Personne n’a été dupe du désaveu qu’il fit par politique des passages de ce livre qui regardaient Condé et sa sœur. Ce sont précisément les plus travaillés et qui trahissent le plus sa main. Ils révoltèrent la conscience publique, dont l’interprète est Mme de Motteville, t, V, p. 114-115, et p. 132.