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ajouter qu’une seule ligne de la grande Mademoiselle, dont une extrême bienveillance n’était pas le défaut : « M. de Longueville étoit vieux ; Mme de Bourbon étoit fort jeune, et belle comme un ange[1]. »

Et il faut que l’air angélique, comme aussi le teint de perle, aient appartenu à Mme de Longueville d’une façon toute particulière, puisque nous retrouvons ces expressions dans une lettre inédite d’une autre femme de ce temps, Mlle de Vandy[2], qui, des eaux de Bourbon, écrit à Mme de Longueville en 1655 : « Quand votre altesse n’auroit pas un teint de perle, l’esprit et la douceur d’un ange… » Cette rencontre involontaire de personnes si différentes dans les mêmes termes ne prouve-t-elle pas que c’était bien là l’effet général que produisait Mme de Longueville, et les comparaisons que sa beauté suggérait naturellement ?

Cet accord fortuit et si frappant autorise et justifie pleinement le langage, qui sans cela eût pu être suspect, de Scudéry dans la dédicace d’Artamène ou le grand Cyrus : « La beauté que vous possédez au souverain degré… n’est pas ce que vous avez de plus merveilleux, quoiqu’elle soit l’objet de la merveille de tout le monde. L’on en voit sans doute en votre altesse l’idée la plus parfaite qui puisse tomber sous la vue, soit pour la taille, qu’elle a si belle et si noble, soit, pour la majesté du port, soit pour la beauté de ses cheveux, qui effacent les rayons de l’astre avec lequel je vous compare, soit pour l’éclat et pour le charme des yeux, pour la blancheur et pour la vivacité du teint, pour la juste proportion de tous les traits, et pour cet air modeste et galant tout ensemble qui est l’ame de la beauté. »

Au reste, non content de cette description, Scudéry l’a relevée et, comme on dirait aujourd’hui, illustrée par un portrait de Mme de Longueville, ainsi que Chapelain, en dédiant la Pucelle à son mari, a placé le portrait de ce prince en tête de son livre. Ceci nous amène à dire un mot des divers portraits que nous connaissons de Mme de Longueville ; ils nous la montrent successivement dans sa gracieuse adolescence, dans son éclat, dans sa maturité.

Le roi Louis-Philippe eut l’heureuse idée de rassembler à Versailles, dans les galeries du second étage, tous les portraits qu’il put recueillir des personnages célèbres de France. On y rencontre un portrait de Mme de Longueville toute jeune, entre son père Henri de Bourbon et sa mère Charlotte de Montmorency. Malheureusement c’est une copie.

  1. Mémoires, édit. d’Amsterdam, 1735, t. Ier, p. 45.
  2. Manuscrits de Conrart, in-fol., t. VIII, p. 145. Mademoiselle fait l’éloge de Mlle de Vandy, parente et amie de Mme la comtesse de Maure. « Elles, étaient, dit-elle (t. III, p. 58), des personnes d’esprit et de mérite. » - « Mlle de Vandy ; était aimée de tous les beaux-esprits qui ne bougeaient de chez la comtesse de Maure (t. V, p. 25). » On peut voir, au t. VIII, son portrait de la main de Mademoiselle ; voyez aussi Tallemant, t. II, p. 334, et sur M. de Vandy ce même Tallemant, t. V, p. 103.