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dans ses manières qui touchoit plus que le brillant de celles mêmes qui étoient plus belles. »

Après les hommes, consultons les femmes. On peut bien les en croire sur parole quand elles font l’éloge de la beauté d’une autre. Voici comment Mme de Motteville parle en plusieurs endroits de celle de Mme de Longueville : « Cette belle demoiselle de Bourbon… La parfaite beauté de Mme de Longueville, sa jeunesse et sa propre grandeur la convioient souvent à regarder avec mépris sa rivale (la duchesse de Montbazon)… Cette princesse, qui absente régnoit dans sa famille, et dont tout le monde souhaitoit l’approbation comme un bien souverain, revenant à Paris en mai 1647 (après l’ambassade de Munster), ne manqua pas de paroître avec plus d’éclat qu’elle n’en avoit eu quand elle étoit partie. L’amitié que M. le prince son frère avoit pour elle autorisant ses actions et ses manières, la grandeur de sa beauté et celle de son esprit grossirent tellement la cabale de sa famille, qu’elle ne fut pas long-temps à la cour sans l’occuper presque tout entière. Elle devint l’objet de tous les désirs ; sa ruelle devint le centre de toutes les intrigues, et ceux qu’elle aimoit devinrent aussitôt les mignons de la fortune… Ses lumières, son esprit et l’opinion qu’on avoit de son discernement la faisoient admirer de tous les honnêtes gens, et ils étoient persuadés que son estime seule étoit capable de leur donner de la réputation. Si elle dominoit les ames par cette voie, celle de sa beauté n’étoit pas moins puissante ; car, quoique elle eût eu la petite vérole depuis la régence, et qu’elle eût perdu quelque peu de la perfection de son teint, l’éclat de ses charmes attiroit toujours l’inclination de ceux qui la voyoient, et surtout elle possédoit au souverain degré ce que la langue espagnole exprime par ces mots de donayre, brio, y bizarrie (bon air, air galant). Elle avoit la taille admirable, et l’air de sa personne avoit un agrément dont le pouvoir s’étendoit même sur notre sexe. Il étoit impossible de la voir sans l’aimer et sans désirer de lui plaire. Sa beauté néanmoins consistoit plus dans les couleurs de son visage que dans la perfection de ses traits. Ses yeux n’étoient pas grands, mais beaux, doux et brillans, et le bleu en étoit admirable ; il étoit pareil à celui des turquoises. Les poètes ne pouvoient jamais comparer qu’aux lys et aux roses le blanc et l’incarnat qu’on voyoit sur son visage, et ses cheveux blonds et argentés, et qui accompagnoient tant de choses merveilleuses, faisoient qu’elle ressembloit beaucoup plus à un ange tel que la foiblesse de notre nature nous les fait imaginer que non pas à une femme.

Poca grana, y mucha nieve,
Van compitiendo en su tara
Y entre lirios, y iasmines,
Assomanse algunas rosas. »


À ces divers passages de la bonne Mme de Motteville, nous ne voulons